Le réseau BRUTUS

 

Nom du réseau
Du 2 septembre 1940 au 15 novembre 1941
Du 15 novembre 1941 au 15 février 1943
Du 15 février 1943 à la fin
LUCAS
FROMENT Blanqui = zone Nord
BRUTUS Gambetta = zone Sud

Différents chefs de réseau
Colonel Pierre FOURCAUD
Général BOUILLAC
Capitaine Jean FOURCAUD
Lieutenant-colonel Eugène THOMAS
Lieutenant-colonel André BOYER
Lieutenant-colonel Gaston DEFFERRE

pseudo Lucas
pseudo Billard (un mois)
pseudo Froment
pseudo Tourne
pseudo Brutus
pseudo Denver

Créé par Pierre Fourcaud par ordre de l'E-M particulier du général de Gaulle. FFL du 2 Septembre 1940 à la Libération de l'Alsace.

Nombre d'agents

Le 18 avril 1943 : 212; le 1er janvier 1944 : 303 ; à la Libération : 378 P2, 308 P1 et 36 O.
71 tués, 109 déportés; 18 chefs de mission, 355 chargés de mission. Le réseau était en liaison avec le conseil d'ambassade PIGEONNEAU en Espagne et avec l'l.S. agent FARREL à Genève en Suisse.

Le réseau Brutus compta 1.124 agents catalogués et probablement plus de 1.200 firent partie du réseau, dont 64 furent tués et fusillés alors que 101 furent déportés.
Codes : Indicatifs phrases BBC : Jean-Maria de HEREDIA, Lafontaine, Baudelaire

Historique

Le 28 août 1940, le colonel Pierre Fourcaud, pseudo Lucas, vétéran de la première guerre et au passé militaire prestigieux, alors capitaine qui avait rejoint l'Angleterre en Juin 40, est parachuté en France sur instruction de l'état-major particulier du général de Gaulle pour y établir les bases d'un réseau de renseignement chargé de recueillir et transmettre des renseignements de tous ordres: politiques, économiques, militaires. Priorités dans le renseignement : Armes secrètes - Mouvements de bateaux - TCOS - Mouvements de troupes : identification et armements, emplacement des états-majors -unités d'aviation et aérodromes - défenses côtières et terrestres - objectifs et résultats bombardements - Production des usines - circulation par chemin de fer.

Dès le 2 septembre, le réseau fonctionne et le premier courrier arrive à Londres en octobre. Le 5 juillet 1941, Fourcaud rencontre, chez deux avocats marseillais, André Boyer et Gaston Defferre, Eugène Thomas, pseudo Tulle. Celui-ci parcourt toute la région Sud avec mission d'y organiser le Comité d'Action Socialiste, le C.A.S., et le réseau Lucas.

Le 13 août 1941, Lucas est arrêté. Son adjoint le général Bouillac, pseudo Billard, le suppléé jusqu'à l'arrivée du capitaine Jean Fourcaud, dit Boris, pseudo Froment, frère de Pierre. Eugène Thomas implante à Toulouse un responsable régional, Raymond Navès, un responsable départemental, Pierre Bourthoumieux, un responsable local, Léon Achiary avec mission tout d'abord d'organiser le C.A.S et parallèlement de mettre en route l'élément régional du réseau Lucas qui devra se développer et agir dans le seul domaine du renseignement. Le 15 novembre 1941, Jean Fourcaud, pseudo Froment, prend la direction du réseau Lucas qui devient réseau Froment. C'est donc par le canal de Froment que l'élément toulousain commence à fonctionner, peu à peu, à mesure qu'il se développe, que son recrutement s'étoffe, qu'il reçoit l'équipement nécessaire, par ses propres moyens.

Il a bientôt son appareil radio et son opérateur professionnel envoyé par Londres ainsi que son bureau central, qui n'est autre que celui du C.A.S. au deuxième étage de la Maison de la Mutualité, au 3 rue de Metz à Toulouse. Équipé, le réseau Brutus transmet à Londres en permanence des renseignements aussi nombreux que précieux dès 1941. Le réseau s'étant développé très vite, rassembla des hommes d'origines politiques différentes, en majorité de gauche, avec des hommes qui ne se seraient pas serré la main avant la guerre : des jeunes "bourgeois" préparant l'inspection des Finances côtoyaient des syndicalistes et des ouvriers, des socialistes et des hommes engagés à droite se faisaient mutuellement confiance.

C'est au cours d'une réunion qui eut lieu à Marseille en 1941 les membres du réseau furent les premiers à concevoir et à demander une organisation efficace de la Résistance, ainsi qu'en témoigne et à proposer la création d'un organe incluant les forces de la résistance et les forces politiques, qui devait devenir le CNR.

Ce projet fut longuement débattu en Juin 1942, à Toulouse, lors d'une réunion présidé par Jean Moulin., y participaient, Yvon Morandat, Christian Pineau. André Boyer qui avait créé un petit mouvement "France d'abord" et un réseau, le réseau BRUTUS où ses adjoints étaient Gaston Defferre et Pierre Sudreau (...). Nous avons évoqué l'idée d'un organisme de coopération (groupant les mouvements de la Résistance). Boyer et moi étions pour, Moulin et Pineau pensaient que c'était trop tôt. C'est de cette conversation que naîtra plus tard le C.N.R.

Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin : "Devant le désordre grandissant qu'ils (les dirigeants de Brutus) observaient en zone libre, entre l'activité contradictoire des agents de la France Libre, des mouvements, des syndicats et des partis, ils avaient imaginé, dès juin 1941, le projet de faire avec un an d'avance une sorte de comité, de conseil de la Résistance (…) formé de représentants des mouvements, des partis et des syndicats, dont le but était d'unifier et de diriger l'action de la Résistance. Morandat, enthousiasmé par ce projet, l'envoya immédiatement à Londres, en réclamant son application d'urgence pour mettre fin à la pagaille grandissante".

Si Jean Moulin, pour le moment, juge prématurée la création d'un tel organisme, il n'envisage surtout pas que les anciens partis politiques, fussent-ils clandestinement reconstitués, puissent être présents ou représentés. Sa position sur ce point est très nette et le restera longtemps. Certes, il s'est déjà employé et s'emploiera encore à obtenir le ralliement au gaullisme de personnalités politiques, mais elles devront s'engager "à titre individuels". Boyer et Defferre étaient farouchement opposés à ces restrictions, et ce fut une des raisons pour lesquelles il se rendirent à Londres.

Le réseau Froment s'adjoint un sous-réseau, le sous-réseau Vidal dirigé par Gaston Vedel, financé par lui mais qui fonctionne de façon autonome dans la vallée de la Garonne, de Toulouse à Bordeaux, et qui, plus tard, les circonstances aidant, travaillera aussi dans la région parisienne tout en restant jusqu'au bout rattaché au réseau dans lequel il sera d'ailleurs inclus administrativement. Plus les groupes Actions Veny. Froment retourne en Angleterre pour voler dans la R.A.F. en trichant sur son âge. Il est remplacé par Eugène Thomas puis le 15 février 1943 par André Boyer, pseudo Bar. Gaston Defferre pseudo Denver,, ami de longue date et associé dans leur profession d'avocat, est son second et le réseau devient le réseau Brutus, Rapidement le réseau s'étend sur tout le territoire avec une grande dispersion des unités, une dizaine dans toute la France partagé en dix régions. Et, dans chaque région, un Centre d'Antenne chargé d'écouler le trafic. Chaque réseau, au lieu de transmettre lui-même son courrier, par opération aérienne ou par radio, le dépose dans la boîte aux lettres du C.A. qui se charge de toutes les transmissions s'avérant une précieuse source de renseignement pour les alliés ("Brutus" : Un de nos plus anciens et plus importants réseaux, dira le colonel Passy).

Tout d'abord le réseau Brutus est fortement implanté dans la région Sud-Ouest, particulièrement dans la région Toulousaine.
Boyer est arrêté le 8 décembre 1943, sur dénonciation d'un agent de l'Abhwer infiltré, à Paris. Defferre lui succède et prend Achiary, pseudo Dupuy, comme second.

André Boyer disparaîtra le 4 Avril 1945, après s'être évadé de la prison de Nordhausen.
Le C.A.S. est devenu le mouvement "France au Combat", F.A.C., avec son réseau de renseignement Brutus et son réseau Action groupes Veni. Du premier au dernier jour, le réseau Brutus a travaillé exclusivement pour les F.F.L. et sur leurs seules instructions.
En juillet 1943, Alfred Martin prend la direction régionale de Brutus. Il est au réseau depuis Avril 43. Il est remplacé par jean Hausseguy, pseudo Hillier, qui est arrêté à Lyon le 7 Décembre 1943. Il est ensuite remplacé par Chrétien qui sera, lui aussi, arrêté et déporté mais accusé d'avoir donné Naves, Dauriac, Harter et Pates. Alfred Martin se retrouve à Paris, chef de Blanqui, c'est-à-dire de Brutus zone Nord, la zone Sud de Brutus porte le nom de Gambetta et a pour chef Black, pseudo Blond.

Il faut souligner que, dès sa création, Brutus a symbolisé l'image de la Résistance, telle que la souhaitait le général de Gaulle : un rassemblement face à l'ennemi d'hommes et de femmes que tout séparait, très différent socialement et politiquement, créant ainsi un élément d'unanimité étonnant, d'autant plus remarquable que notre histoire n'en connut guère et fut un des tout premier exemple de ce que fut l'honneur de la Résistance.


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