Réseau BRUTUS-BOYER

Alors que la France reste comme hébétée par la défaite, l'armistice et ses millions de prisonniers, un certain nombre de d'hommes relèvent effectivement le défi contre Hitler. Pour la totalité, cette attitude est viscérale, ils ne peuvent admettre la capitulation alors que tant de moyens de continuer la lutte restent intacts. Ils n'ont pas souscris aux paroles doucereuses du Maréchal Pétain, et ces "insoumis" se retrouvent comme des électrons libres. Rapidement nombre d'entre eux vont trouver leur noyau en la personne du Général de Gaulle dont peu, à l'origine ont entendu l'appel en cette journée du 18 Juin 1940, mais qui en ont eu vent par une presse non encore muselée ou plus fréquemment par le bouche à oreille. Ceux-là n'ont de cesse de rejoindre Londres alors que d'autres optent pour l'Afrique du Nord. En ces premiers mois le passage le plus évident appairait comme étant le transit par l'Espagne, bien que risqué. D'autres, parmi ceux qui ne veulent pas accepter le joug nazi, optent pour une contribution


Pierre Fourcaud, alors capitaine, est de ceux-là. Il a déjà un passé militaire prestigieux : engagé à dix-huit ans en Avril 1916, pendant la "Grande Guerre", est cité à Verdun dès Décembre 1916 et ultérieurement 3 fois blessé. En 1939-1940, il assume des missions très courageuses en qualité de commandant d'une compagnie d'infanterie. Au lieu de se satisfaire de ses très nombreuses citations, il rejoint l'Angleterre dès la fin du mois de Juin 1940. Plutôt que d'y séjourner calmement, il est le premier à repartir pour la France, volontaire, dès Septembre 1940 et fonde à Marseille le fameux réseau BRUTUS (un des plus important dira le colonel Passy). Mission accomplie, il se joue des frontières et des difficultés insurmontables qu'elle suscitent et continue à aller et Venir entre Londres et la Résistance. De retour en France en Janvier 1941, il organise un centre d'émission radio et galvanisant littéralement tous ceux qu'il rencontre, il crée plusieurs organisations clandestines. Arrêté en Août 1941 à Marseille, après un an de prison à Clermont-Ferrand et malgré une blessure reçue au cours de son évasion, il parvient de nouveau à rejoindre la France Combattante en Angleterre, en Octobre 1942.

Il retourne en France au début de 1944 pour assumer la direction de l'action dans la région dans la région Nord-Alpes, et sur la Côte d'Azur. Arrêté de nouveau par les Allemands à Albertville en Mai 1944, grièvement blessé (deux balles dans la tête), enfermé dans une chambre de force de l'hôpital de la Croix Rousse à Lyon, il s'évade encore le 14 Juin 1944 et rejoint malgré ses blessures l'Angleterre par l'Espagne...

Il reviendra en Septembre pour la prise de Lyon...
Bien peu ont accumulé autant d'actions audacieuses pour la libération de notre pays. "C'est l'homme le plus courageux qu'il m'ait été donné d'approcher", dira de lui Loustanau-Lacau qui ne galvaude pas le mot courage.

En Mai 1941, je rencontrai à Marseille André Boyer, responsable d'une organisation de la Résistance de la France Combattante, le réseau BRUTUS (le nom avait été choisi par André Boyer, grand admirateur de Shakespeare, qui se souvenait de cette phrase, dans Jules César, : "les vainqueurs ne peuvent faire que de lui (BRUTUS) des cendres .... lui seul pensait loyalement à l'intérêt et au bien public". André avait pour adjoint Gaston Defferre. Le destin allait forger, entre nous des liens d'amitié d'une rare intensité que rien ne viendrait ternir et que la mort seule trancherait ...

Le réseau BRUTUS eut deux particularités remarquables.
Il rassembla très vite des hommes d'origines politiques différentes, mais en majorité de gauche. Symbole de la résistance, le réseau BRUTUS naquit en effet de la rencontre et des initiatives de quatre hommes différents : Pierre Fourcaud et son frère Boris, très engagés à droite, André Boyer et Gaston Defferre, hommes de gauche, ce dernier étant un militant socialiste très assidu.
Pierre Fourcaud était d'extrême droite avant-guerre et ne s'en cachait pas. D'un patriotisme exigeant, ne pensant qu'au succès de sa mission et à la lutte contre l'occupant, il fut le premier à rechercher des résistants dont l'engagement politique était un gage de détermination et de sécurité puisque, à cette époque, l'esprit de collaboration était "rayonnant". Lorsqu'il fut arrêté, en Août 1941, son frère, sous le pseudonyme de "Froment" le remplaça.

Grâce à Pierre Fourcaud, il n'est pas exagéré de dire que le réseau BRUTUS fut un des tout premier exemple de ce que fut l'honneur de la Résistance : un extraordinaire rassemblement d'hommes et de femmes que tout séparait, très différents socialement et politiquement, créant ainsi un élément d'unanimité étonnant, d'autant plus remarquable que notre histoire n'en connut guère. Grâce aux amitiés de Pierre et Boris Fourcaud, d'André Boyer et de Gaston Defferre, le réseau se développa très vite avec des hommes qui ne se seraient pas serré la main avant la guerre : des jeunes "bourgeois" préparant l'inspection des Finances côtoyaient des syndicalistes et des ouvriers, des socialistes et des hommes engagés à droite se faisaient mutuellement confiance.

André Boyer et Gaston Defferre formaient une équipe tout à fait remarquable. Amis de longue date, associés dans leur profession d'avocat, ils avaient décidé, dès 1940, de relever le défi de la défaite, et leur rencontre avec Pierre Fourcaud fut providentielle.
André Boyer avait une étonnante personnalité, par certains côtés contradictoires : extrêmement fin et sensible, associant une grande ouverture d'esprit, tact et gentillesse, à une volonté inflexible. Perpétuellement engagé pour le succès de la mission qu'il avait acceptée, il était le patron incontesté. Nous l'admirions aussi pour avoir réussi en Juin 1940, avec une poignée de camarades, élèves aspirants à l'Ecole de Saumur "qui l'avaient reconnu spontanément comme leur chef", à tenir plusieurs jours un pont sur la Loire "contre un ennemi fanatisé par ses réussites, action d'éclat qui entrera dans l'histoire de la campagne de France".

Gaston était l'adjoint impétueux, déterminé, sûr d'être dans le vrai, courageux, parfois téméraire. "Tu n'est qu'un parpaillot dogmatique", lui disais-je en blaguant, et cela le faisait rire. Chaque fois que je le rencontrais, tout au long de sa carrière, je le retrouvais semblable à lui-même, comme en 1941. Il ne cachait nullement ses convictions politiques et, s'il n'avait été freiné par son ami André Boyer dont il respectait les avis, le réseau BRUTUS serait devenu l'instrument de rénovation du parti socialiste. Il ne négligeait cependant pas, au contraire, son action dans la résistance où sa participation se développa sans cesse, Gaston Defferre et André Boyer formaient un tout.

L'intensité des événements aidant, des liens s'étaient tissés entre nous, ainsi qu'entre tous les responsables. Camaraderie, amitié seraient des mots insuffisants. Une affection profonde nous unissait, que rien n'a terni.

La deuxième particularité de BRUTUS réside dans la précocité de ses dirigeants, qui furent les premiers, dès 1941, à concevoir et à demander une organisation efficace de la Résistance, ainsi qu'en témoigne Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin :"Devant le désordre grandissant qu'ils [les dirigeants de BRUTUS] observaient en zone libre, des mouvements, des syndicats et des partis, ils avaient imaginé, dès Juin 1941, le projet de faire avec un an d'avance une sorte de comité, de conseil de la Résistance (....) formé de représentants des mouvements, des partis et des syndicats, dont le rôle était d'unifier et d'unifier l'action de la Résistance. Morandat, enthousiasmé par ce projet, l'envoya immédiatement à Londres, en réclamant son application d'urgence pour mettre fin à la pagaille grandissante ..."
Car c'était cela aussi la Résistance en 1941.

Ce projet fut longuement débattu en Juin 1942, à Toulouse, lors d'une réunion présidé par Jean Moulin. Yvon Morandat, qui y participait, l'a évoqué ainsi : "(...) Il y avait Christian Pineau. André Boyer qui avait créé un petit mouvement "France d'abord" et un réseau, le réseau BRUTUS où ses adjoints étaient Gaston Defferre et Pierre Sudreau (...). Nous avons évoqué l'idée d'un organisme de coopération (groupant les mouvements de la Résistance). Boyer et moi étions pour, Moulin et Pineau pensaient que c'était trop tôt. C'est de cette conversation que naîtra plus tard le C.N.R.

Si Jean Moulin, pour le moment, juge prématurée la création d'un tel organisme, il n'envisage surtout pas que les anciens partis politiques, fussent-ils clandestinement reconstitués, puissent être présents ou représentés. Sa position sur ce point est très nette – et le restera longtemps. Certes, il s'est déjà employé et s'emploiera encore à obtenir le ralliement au gaullisme de personnalités politiques, mais elles devront s'engager "à titre individuels".

Gaston Defferre était bien sûr opposé à ces restrictions, et ce fut une des raisons pour lesquelles il se rendit à Londres et à Alger en Septembre 1943.

À sa fondation, le 6 Septembre 1940, par le colonel Pierre Fourcaud, le réseau de la France Combattante portait le nom de LUCAS. Puis après l'arrestation de Pierre Fourcaud, son frère Boris prit la suite et l'organisation devint le réseau FROMENT du fait de l'identité clandestine de Boris.

C'est au printemps de 1942 que André Boyer qui devint l'animateur de cette organisation de résistance la baptisa du nom de BRUTUS en faisant d'une citation de Jules César de Shakespeare qu'il admirait profondément notre ligne d'action "les vainqueurs ne peuvent faire que de lui (BRUTUS) des cendres .... lui seul pensait loyalement à l'intérêt et au bien public".

Historique.
Le 2 Septembre 1940, le colonel Pierre Fourcaud venant de Londres débarque clandestinement sur la côte Catalane, tout près de Corbière, il est chargé de constituer en France un réseau de renseignement qu'il baptisa LUCAS.
Le 5 Juillet 1941 par l'intermédiaire de Félix Gouin il est mis en rapport avec Eugène Thomas (pseudo Tulle) à Marseille dans le cabinet commun de deux avocats André Boyer et Gaston Defferre.

Eugène Thomas s'engage alors à mettre en place en certains points de la zone Sud des hommes surs qui seront à la fois les agents de renseignement et les cadres du C.A.S. (Comités d'Action Socialiste, le parti socialiste clandestin).
Le 13 Août 1941, Pierre Fourcaud est arrêté, son frère Boris prend la suite et donne au réseau le nom de FROMENT.
Eugène Thomas arrive à Toulouse fin Août 1941 et en présence d'une situation trouble (le maire socialiste, E. Prevot, agit en collaborateur) choisit des hommes nouveaux pour diriger et faire revivre le CAS / Raymond Naves est chargé de la région, Pierre Bourthoumieux du département, ils ont mission de designer quelqu'un pour la ville de Toulouse. Ils désignent Léon Achiary, qui dispose de locaux adaptés à un PC clandestin, à la maison de la mutualité rue de Metz.

Ces trois camarades ont en même temps mission d'organiser un service de renseignements pour le compte du réseau FROMENT.
Le réseau sera dès lors dénommé BRUTUS et inscrit au BCRA (Bureau Central de renseignement et d'Action) sous les initiales RF, de sorte que les agents du réseau BRUTUS dans la mesure où ils seront régulièrement inscrits auront le matricule RF tel numéro.
Le CAS et BRUTUS se développent parallèlement, les mêmes éléments hommes ou femmes, faisant souvent parti des deux organisations. Le réseau BRUTUS s'en tiens à sa mission particulière du renseignement. Un groupe ou sous-réseau financé par lui, mais relativement indépendant, le sous-réseau VIDAL seront homologués au réseau BRUTUS, avec qui ils sont d'ailleurs en liaison permanente. Le CAS, qui édite "le Populaire du Midi", étend son action dans tout le Sud-Ouest.

À deux reprises il réunit au local de la Mutualité de la rue de Metz, les délégués de la région. Sous la présidence de Daniel Mayer (début 1943 ?)

Sous la présidence d'Augustin Laurent fin Juillet 1943

Une troisième réunion semblable sous la présidence de Suzanne Buisson aura bien lieu plus tard dans un autre local, celui de la rue de Metz étant brûlé depuis le 8 Octobre 1943 (nombreuses arrestations) et avec d'autres participants à mesure que les arrestations éloignent les premiers.


Le colonel Pierre Fourcaud venant de Londres débarque clandestinement sur la côte Catalane, sous le nom de LUCAS, il vient créer, sur instruction de l'Etat Major particulier du Général de Gaulle, un réseau chargé de recueillir et de transmettre des renseignements de tous ordres, politique, économique et militaires.

Il se propose d'entamer cette activité spéciale dans sa Province familière et familiale, notamment à Marseille qui dans ce domaine est un centre d'intérêt important. Mais le hasard veut que, au cours de route, il ait l'occasion originale de recruter son premier agent en la personne d'un commissaire de police ! Cela commence bien.

Le deuxième suivra dès son arrivée à Marseille, si bien que, dès le 2 Septembre, le réseau fonctionne, et le premier courrier arrivera à Londres, par voie maritime, en Octobre.

Pour ne pas revenir sur ce sujet technique, précisons que le rythme normal sera d'un courrier par mois, par l'une des trois voies : aérienne, maritime ou terrestre pour les communications urgentes, c'est la radio qui sera utilisée dès que le réseau sera équipé.
Le 5 Juillet 1941 par le canal de Félix Gouin, lié à la famille Fourcaud (Lucas) rencontre chez deux avocats Marseillais : André Boyer et Gaston Defferre, on les retrouvera plus loin -.Eugène Thomas (pseudo Tulle) qu'il est inutile de présenter plus longuement. Eugène Thomas, alors réfugié du Nord – sa femme a été nommée institutrice dans la Haute-Garonne (à Saint Martory) ledit dit réseau dans la région Toulousaine.

Mais Boris Fourcaud, capitaine aviateur, rêve d'une action plus directe : piloter un avion de la R.A.F., il y parviendra, en trichant sur son age, mais avant de gagner l'Angleterre, il passe la direction du réseau à André Boyer, socialiste pseudo Bar.
Et Boyer prend pour second, son confrère, ami et camarade Gaston Defferre.
Plus tard lorsque Boyer sera arrêté à son tour (8 Décembre 1943) Gaston Defferre lui succédera à la tête du réseau sans en changer le nom.

Voilà comment est né le réseau BRUTUS réseau des FFL
P.S. André Boyer est mort en déportation : l'amicale a pris le nom d'amicale BRUTUS – BOYER.
Témoignage de Léon Achiary

Gers Ribet
Lafforgue

Ariège Durroux Foix Déjean St Girons
Peyrevidal Pujol
Camel (assassiné le 1er Mai 1941)

Lot Verlhac (passé dans le camp de Moscou vers la fin)

Tarn Marlroux (mort pour la France)
Berton Carmaux, surtout Veni
Galau Albi
Benesech Mazamet

Tarn et Garonne Capgras
Seguela

Lot et Garonne Archidice

Basses-Pyrénées Favre, Delteil, Nogués,
Castaingts (BRUTUS, déporté rentré),
Baradat, Chassagne (qui s'est cassé le nez chez moi après le passage de la Gestapo), ces deux la ont opté pour le RIF sans pour cela changer d'opinion.

Enfin Larqué – agent de liaison (BRUTUS, arrêté à Toulouse emprisonné à Ste X, mort mystérieusement)
Un détail pénible à son sujet. Il venait tous les vendredis me porter le courrier des Basses-Pyrénées, je lui fis remarquer combien c'était imprudent – cette régularité. Il me répondit : la semaine prochaine je suis obligé de venir encore le Vendredi, mais après je m'arrangerai pour changer chaque fois de jour. Et c'est ce dernier Vendredi là qu'il a été arrêté.
Hautes-Pyrénées, Marcheix parcourt toute la zone sud avec la mission d'y organiser le C.A.S. (Comité d'Action Socialiste) c'est-à-dire le Parti Socialiste clandestin.

Il accepte volontiers de mettre ne place, partout où ce sera possible, des hommes sûrs, formant les cadres à la fois du CAS et du réseau LUCAS, orienté vers le même but : "Résistance à l'occupant et au gouvernement de Vichy".
13 Août 1941 – Lucas est arrêté, son adjoint le Général Brouillac (pseudo Billard) le supplée jusqu'à ce que le capitaine Fourcaud Jean, (dit Boris) frère de Pierre, puisse prendre la succession.

Août 1941 – Après de multiples contacts, Eugène Thomas implante à Toulouse les premiers cadres prévus : un responsable régional Raymond Naves et un responsable départemental : Pierre Bourthommieux, d'un commun accord ceux-ci désignent un responsable local :

Léon Achiary.
La mission de ces trois hommes est double :

1/ Organiser le CAS
2/ Mettre en route l'élément régional du réseau Lucas qui devra se développer et agir dans le seul domaine du renseignement.
5 Novembre 1941 – Jean Fourcaud, dit Boris, pseudo Froment prend la direction du réseau Lucas qui devient dès lors réseau Froment.
C'est donc par le canal de Froment que l'élément Toulousain commence à fonctionner. Puis, peu à peu, à mesure qu'il se développe, que son recrutement s'étoffe, qu'il reçoit l'équipement nécessaire, par ses propres moyens.

Il a bientôt son appareil radio et son opérateur professionnel envoyé par Londres. Il possède son chef régional qui centralise les renseignements, les envoie par courrier ou par radio, avec son propre indicatif, son propre code, a des heures fixes.

Il a aussi son bureau central qui n'est autre que celui du C.A.S., au deuxième étage de la maison de la Mutualité, au n° 3 de la rue de Metz, et il est par ailleurs assuré du concours actif du C.A.S. notamment dans les usines, poudrières, cartoucheries, aviation, etc. sur l'activité desquelles Londres doit être renseigné, et de la Mairie de Toulouse qui procura aux agents clandestins fausses pièces et cartes d'alimentation nécessaires. (Un peu plus tard, lorsque par le canal de Froment, seront constitués dans la région les groupes Veni, c'est par ceux-ci (groupes Actions) que se feront toutes les opérations aériennes pour le réseau.

Le réseau Froment se développe donc normalement dans la région Toulousaine. Il s'adjoint même un sous-réseau (sous réseau Vidal, dirigé par Vidal, pseudo de Gaston Vedel) financé par lui, mais qui fonctionne de façon autonome dans la vallée de la Garonne, de Toulouse à Bordeaux et qui, plus tard, les circonstances aidant, travaillera aussi dans la région Parisienne, tout en restant jusqu'au bout rattaché au réseau dans lequel il sera d'ailleurs, inclus administrativement.

"Financé par lui, ai-je dis, en effet, la plupart, en tous cas un grand nombre des agents des réseaux sont des clandestins, obligatoirement appointés par conséquent, et il y a par ailleurs de gros frais, ne serais ce que les déplacements constants des uns et des autres, sans compter les secours aux familles des agents disparus... et d'autres dépenses .. mais ceci est de la technique.
De sorte que chaque réseau a son budget, plus ou moins important. Et bien des difficultés sont venues de retards dans la réception des fonds, ceux-ci envoyés de Londres, par parachutage en général.

Ainsi fonctionne le réseau Froment, du 15 Novembre 1941 au 15 Février 1943, en liaison permanente avec les groupes Veni, pour toutes les opérations aériennes, et dans la région Toulousaine, et dans la région Lyonnaise où sont implantés aussi des groupes Veni.
Mais Froment, capitaine aviateur, ne cesse de poursuivre son rêve : piloter un avion de la RAF. Il y parviendra (en trichant sur son age) et c'est Eugène Thomas qui, durant une courte période, devra le suppléer. Mais Eugène Thomas ne peut pas poursuivre longtemps une double tache, c'est donc :

Le 15 Février 1943 qu'André Boyer (pseudo Bard) accepte la charge. Il prend pour second Gaston Defferre (pseudo Denvers), et baptisa le réseau BRUTUS, nom qui lui restera jusqu'à la fin, malgré les péripéties ultérieures.
Boyer sera en effet arrêté le 8 Décembre 1943, son second Defferre lui succédera aussitôt sans rien changer, ni extérieurement, ni intérieurement et aura pour second Achiary (alors Dupuis).

Les noms de ces derniers chefs successifs soulignent le lien étroit entre le C.A.S. devenu Mouvement France au Combat (F.A.C.) et le réseau BRUTUS.

En fait le Mouvement France au Combat a son réseau de renseignement : BRUTUS et son réseau Action groupes Veni. Mais il y a lieu de préciser ici que, du premier au dernier jour le réseau BRUTUS a travaillé uniquement pour les F.F.L. (Forces Françaises Libres) et sur les seules instructions des F.F.L.

Juillet 1943 Le renseignement est rarement de tout repos. Le chef régional de BRUTUS, Pierre Malafosse (pseudo Morereau) est arrêté et enfermé à la prison St Michel à Toulouse.
Boyer et Defferre décident, préparent et réussissent son évasion. Inutile ici de donner les détails d'une opération qui fit, à cette époque, quelque bruit.

Morereau désormais hors du circuit, mais libre, est remplacé par Alfred Martin (pseudo Morel). Encore un homme du Nord, mobilisé son unité ne cesse de reculer, jusqu'en Bretagne où il est fait prisonnier. Il s'évade, arrive en Haute Garonne, est nommé instituteur à Montesquieu Velvestre, ami d'Eugène Thomas, il abandonne l'enseignement et entre au service du réseau en Avril 1943. Le voilà chef régional après Morereau. Mais, le 7 Octobre, il est à son tour arrêté. Il échappe, en force, aux agents Allemands ... et se met obligatoirement, au vert. On le retrouvera plus tard à Paris où, cette fois il n'échappera pas à l'arrestation et à la déportation. Il est remplacé à Toulouse par Jean Hausseguy (pseudo Hettier), qui sera lui aussi arrêté à Lyon le 7 Décembre 1943, déporté et remplacé par Chrétien ... Un nom que l'on n'écrit pas sans un mouvement de recul ... Déporté, lui aussi, il a été, après la libération, formellement accusé d'être à la base de plusieurs arrestations : Navés, Dauriac, Pater, Harter ..

Mais pourquoi agiter ici ces misères ... Il est vrai qu'à partir de cette date, le réseau décapité ne pouvait plus faire grand chose à Toulouse.
Mais, puisque c'est en liaison avec les arrestations successives, c'est-à-dire les risques de plus en plus grands courus par les agents d'un service de renseignements, et bien que cela ait peut-être été fait ailleurs, il n'est pas inutile de donner un aperçu de la nouvelle organisation, prévu et déjà mise en train au début d'Avril 1944.

Tout d'abord le réseau BRUTUS, qui opère dans la France entière, est divisé en deux fractions. Celle qui opère en zone Nord se nomme : BLANQUI, et celle qui opère en zone Sud : GAMBETTA. Touts deux restent sous la direction du même chef, alors Gaston Defferre (Denvers) mais chaque zone a aussi le sien propre : c'est ainsi que l'on retrouve Alfred Martin à Paris, chef de Blanqui, tandis que Bloch (Blond) est le chef de Gambetta.

Mais on prépare une plus grande dispersion des unités, une dizaine dans toute la France ainsi partagé en dix régions. Et, dans chaque région, un centre d'antenne chargé d'écouler le trafic.

Ainsi chaque réseau, au lieu de transmettre lui-même son courrier, par opération aérienne ou par radio, le dépose dans la boîte aux lettres du C.A. qui se charge de toutes les transmissions. Cela fait, au départ et à l'arrivée, beaucoup de temps gagné et beaucoup de risques évités. Cela suppose, il est vrai, que le C.A. ait à sa disposition de nombreux points d'émission, pour éviter bau maximum le repérage par gonio.

Tout cela se prépare sous l'impulsion d'un officier, professionnel du service des renseignements, parachuté en France. Greco et qui, en même temps, est chargé de remettre directement à chaque chef de réseau la somme correspondant à son budget mensuel, le financement étant ainsi assuré par le canal de la "Délégation" fixée à Lyon.
Et voila encore bien des parachutages ou des atterrissages évités avec tous les risques et les aléas qu'ils comportent. Ainsi, une longue expérience avait permis de concevoir et d'aménager un système très amélioré. Mais combien de sacrifices auront coûté les premiers balbutiements !

En conclusion, plutôt que le résultat, impossible à déterminer, de l'activité de l'équipe Toulousaine du réseau de renseignements BRUTUS, ce qui peut et doit rester, c'est le nombre des participants et leurs noms.
À la libération, le réseau comptait à Toulouse 108 agents, régulièrement homologués (dont 17 seulement étaient membres du F.A.C.).
20 P.O. agents occasionnels
46 P 1 agents permanents
42 P 2 agents permanents clandestins ou ayant rendus des services exceptionnels, ou assumés des responsabilités particulières et parmi ces derniers 21 déportés, disparus ou tués, dont 13 morts pour la France..
BRUTUS a compté 1.124 agents homologués (probablement plus de 1.200 agents) dont 64 furent fusillés ou tués alors que 101 furent déportés.
André BOYER
3 Octobre 1908 – 3 Avril 1945 RESISTANCE INTERIEURE (BRUTUS)

Né à Marseille le 18 Octobre 1908, André Boyer fait ses études classiques à l'école de Provence, de 1920 à 1926, puis il mena de front sa licence en Droit et sa licence és-Lettres.

À l'age de vingt et un ans, il s'inscrit au barreau de Marseille, sa ville natale, ou ses aptitudes professionnelles et ses dons humains lui valent l'affectueuse affection de ses confrères. En Septembre1939, il contacte un engagement pour la durée de la guerre et se fait incorporer, versé au 15° escadron du Train, il fut envoyé comme élève Officier, d'abord à Tours, puis, au mois de Juin 1940, aspirant à l'école de Saumur. La bataille de France, déjà, est perdue. Ce n'est pas un motif pour céder sans combat le passage de la Loire aux envahisseurs.

Avec "les Cadets de Saumur", Boyer se distingue dans la magnifique défense du pont de Gennes. Une citation élogieuse le récompense son héroïque baptême du feu a exalté son esprit de combat et lui vaut la Croix de Guerre. Aussi, à l'appel du Général de Gaulle, il n'hésite pas à monter, sous les ordres du commandant Lucas, une des premières formations de la Résistance intérieure.

Dés Avril 1941, il installe à Marseille, avec l'aide d'un opérateur, le centre d'émissions radio qui abrite le poste "Roméo". En Octobre de la même année, rompu aux tâches de liaison, et d'acheminement des courriers, il est chargé de mettre sur pied, sous le pseudonyme de "Lucienne", un réseau de renseignements. Puis, à la suite de l'arrestation de Lucas, il devient, en Décembre suivant, adjoint d'un nouveau chef de réseau, en compagnie duquel il est dirigé sur Londres le 13 Janvier 1943. De retour en France, le 5 Février, il sert au réseau "BRUTUS" dont il devient le Chef national en Octobre 1943, après une nouvelle liaison avec Londres.

Certain de ses secteurs ont été décimés, à la suite d'opérations menées par la Gestapo. André Boyer n'hésite pas à payer largement de sa personne en se rendant sur place pour regrouper les rescapés. C'est alors qu'il est arrêté à son tour le 8 Décembre 1943 avec deux de ses camarades.

Torturé, mis au secret à Fresnes, il quitte cette prison le 2 Mai 1944 pour Compiègne, d'où le 12 Mai, il est acheminé sur Buchenwald, puis transféré à Dora en Juin. Là, il organise avec des Français, des Allemands, des Russes et des Tchèques, la résistance à l'intérieur du camp. Le complot est découvert et on l'interne à la prison de Nordhausen, sous la double inculpation de saboteur de V1 et d'organisateur d'un réseau de Résistance à l'intérieur du camp.

L'année suivante, à l'approche des Alliés, Nordhausen subissait, dans la nuit du 3 au 4 Avril 1945, un bombardement d'une extrême violence. Utilisant la panique générale, André Boyer et ses camarades de cellule tentèrent l'évasion. Une bombe atteignit leur groupe, et son corps ne fut jamais retrouvé. Il est mort, frémissant à la joie d'une évasion réussie, quand déjà sur sa prison passait un souffle de victoire.

Témoignage de Léon Achiary
Vu par Mlle Patremonio à Alger le 8 Octobre 1947
Né au pays basque, à Esquiule (Basse Pyrénées), fils de cheminot, Léon Achiary, fait ses études à Rodez, puis à l'école indigène de la Bouzanéa, devint instituteur et termine sa carrière comme directeur de l'école de teinturerie d'Alger. Il prend sa retraite à Toulouse, où il se trouve en 1939.

Il n'entend pas l'appel du Général de Gaulle le 18 Juin, mais, comme il appartient au parti socialiste depuis 1920, cela n'aurait guère dicté son attitude.

Il est membre d'une section à Toulouse et dès le début, la résistance à l'oppression politique parait possible à lui et à ses camarades. La section se camoufle en société sportive, dès Juillet 1940. Quelques-uns commencent leur résistance en faisant opposition au Conseil Municipal de Toulouse qui parle d'envoyer une lettre d'obédience ou d'admiration, peu importe, au Maréchal Pétain. Ce n'est pas qu'ils en pensent un mot, c'est simplement une manœuvre pour assurer leur position. Il n'empêche qu'Achiary trouve cet opportunisme abominable et se dispute à ce propos avec les députés de Toulouse, Bedouce et Berlial ainsi qu'avec David, qui votera oui à Vichy comme Esparbes, le député paysan, qui regrettera beaucoup son attitude par la suite.

Les réunions de la section socialiste clandestine n'ont pas de but défini. Rien n'est organisé. Plus tard on diffuse des tracts.

Lorsque les mouvements "Franc-Tireur", "Libération", "Combat", font leur apparition dans la région, chacun des membres de la section s'inscrit à l'une ou à l'autre de ces mouvements, au hasard des rencontres, puisque le PS proprement dit est dissous. Chacun pense d'abord à faire son devoir, qui est de lutter contre la double oppression, intérieure et extérieure, sans trop se préoccuper des étiquettes. Cependant, chez certains, la préoccupation politique est à l'arrière-plan. En effet, la guerre finie et la libération arrivée, le régime économique ne sera pas immédiatement transformé pour autant, et le pays se retrouvera dans le même état. Tous ceux qui, comme par le passé, auront à se défendre contre le capitalisme, c'est-à-dire chaque socialiste, doit d'abord faire son devoir, faire parti du réseau qui lui sera le plus commode, mais aussi ne pas perdre de vue son propre mouvement politique, pour réserver l'avenir.

C'est ainsi qu'au début de 1941, Achiary entre ne relation avec Thomas, député du Nord qui vient à Toulouse faire une causerie au sujet du C.A.S. A partir de ce moment, Achiary et ses camarades diffusent des tracts socialistes, édités par eux, puis des journaux, notamment le "Populaire", dès ce moment où il reparaît.

La distribution du "Populaire" s'effectue avec le secrétaire de la section S.F.I.O. de Toulouse, Desbals, et avec Fernand Coll, Eugène Thomas étant délégué du C.A.S. pour le Sud-Ouest. Ce dernier s'aperçoit que Coll et Desbals y mettent beaucoup de mauvaise volonté, puisque Coll refuse de diffuser le journal qu'il a reçu, ce qui est très mal, lorsqu'il pense à la peine et au danger que son impression représente. Ceci fait que Desbals et Coll sont remerciés par Thomas, qui a toute autorité pour le faire puisque la démocratie est à ce moment en sommeil. Thomas désigne alors Raymond Nave, professeur de Lettres à la Faculté de Toulouse, qui devient chef de région, tandis que Pierre Bourthoumieux pharmacien, est chef départemental et Léon Achiary chef local de la section de Toulouse.

Ils sont rapidement en rapports avec d'autres noyaux de résistance "Libérez - Fédérez" en particulier. Bientôt sous l'influence de Nave, qui est pendant des mois l'âme de la résistance à Toulouse, se constitue une fédération des mouvements de résistance , qui rédige des tracts en commun. Achiary se charge de les imprimer, et chacun vient ensuite chercher son lot.

À partir de ce moment, l'action devient régulière. Comme secrétaire de la section S.F.I.O. Achiary a besoin de moyens, car la municipalité est entièrement socialiste. Soulignons donc que lui et ses amis agissent dès lors en mouvement autonome de la résistance, fabricant toutes les cartes d'identités, les certificats de travail, en général tous les faux papiers possibles, qui leur sont fournis sans trop de difficultés par la mairie. C'est au point qu'au début de 1943, alors que la délégation du Général de Gaulle se trouve à Lyon, on manque là-bas de cartes d'alimentations et Daniel Mayer, secrétaire général du P.S. vient en personne à Toulouse pour avoir des feuillets semestriels . Ils sont si bien pourvus à Lyon que les feuilles semestrielles qui leur arrivent de Londres sont simplement d'une autre couleur.

D'autre part, Achiary assure à Toulouse et dans la région la distribution du "Populaire", tout en s'occupant de la rédaction, l'impression et la diffusion d'autres journaux ; "le Midi socialiste" et "le Lot résistant". Également, depuis le début de 1943, il fait imprimer "L'Espoir", journal de Marseille dont Defferre lui fait parvenir la copie tous les mois. UN agent, Malacrida, actuellement membre du Comité Directeur du Parti Socialiste vient le rechercher et n'hésite pas à voiturer ses 40kgs d'imprimés.

C'est par "L'Espoir" qu'Achiary apprend le rôle joué par son fils dans les événements d'Afrique du Nord. Boyer lui apporte un article sur la relation du 8 Novembre, qu'il imprime. Plus tard, ayant réalisé que l'exposé du rôle du fils, sous son nom, pouvait créer des difficultés au père, Boyer vint s'excuser, assez confus, mais il n'y eut pas d'ennuis.

Achiary s'occupe en même temps de passage en Espagne. Ils ont deux filières, l'une par Foix, avec Peyrevidal, qui fut fusillé, l'autre par St Girons, avec Desjean, un avocat (parmi les évasions dont il s'occupe figure celle de Malafosse).
Au même moment, et en même temps que cette activité, il collabore au réseau BRUTUS. Déjà le réseau avait une organisation à Toulouse, dont font partie des membres du P.S. qui prête un des locaux et des hommes. D'autant plus volontiers qu'Eugène Thomas, chef socialiste pour le Sud-Ouest, devient également à ce moment chef régional du réseau Froment.

Les avatars du réseau sont curieux. Crée dès la fin 1940 par le commandant Fourcaud, il s'appelle alors "Lucas". Après quelques mois, le frère du Commandant, le Capitaine Fourcaud, en reprend la direction en lui donnant le nom de "Froment". Puis c'est Thomas, qui remplace Fourcaud.

Dans la région de Toulouse, Agen, les Basses-Pyrénées, la direction échoit à Martin, dit Morel, dit Nollet, secrétaire administratif de la fédération socialiste de Marseille, membre du P.S. et ami personnel de Thomas, embauché depuis Lille. À noter que le réseau, constitué au début par des gens indubitablement de droite, passe entièrement par la suite du fait d'arrestations successives, entre les mains de gens de gauche, en majorité socialistes.

"Froment" est un service de renseignements, collationnant toute espèce d'informations, aussi bien militaires qu'économiques ou politiques. Avec un ami, Lucien Beret, chef du bureau de tri de la gare de Toulouse, Achiary constitue un groupe qui arrête toutes les lettres suspectes, les lit et en fait son profit, pour prévenir les gens menacés ou pour parer aux coups durs lorsque ce sont des circulaires de Vichy menaçant la résistance. Comme les circulaires sont généralement en double, Achiary a la sienne avant le Préfet. On retient le plus grand nombre de lettres adressées aux militaires Allemands, aux gendarmes Allemands. Cette action se double par celle entreprise au bureau central de Toulouse P.T.T., où Hyon est en cheville avec Achiary et lui fait remettre les lettres l'intéressant, tout bonnement par le facteur. Au début on prévient les gens menacé un peu trop directement, cela amène à Hyon des complications dont il se tire à peu près, mais lui vaut par la suite des démêlés avec les S.O.L.

Ses collaborateurs immédiats, outre sa femme, sont Miquel, responsable des prisonniers de guerre rapatriés, qui est actuellement secrétaire général adjoint à la mairie de Toulouse, AT, représentant de la cartoucherie, Chaubert (mort), Vergnaud, employé à la mairie, Delpech, secrétaire général à la mairie, Gros le beau-frère de Madame Vincent Auriol, industriel à Toulouse et naturellement aussi Beret.
Beret et Achiary ont également chez eux un poste émetteur manipulé par Pitou, qui les dénonce au début Octobre 1943 pour de l'argent. Un matin, la Gestapo se présente chez Beret. Torturé pendant 8 jours, il meurt sans avoir parlé, on l'emmène devant le directeur de l'hôpital qui refuse le permis d'inhumer avec indignation. Le malheureux a des plaies à toutes les jointures, le crane à demi écrasé, etc.
Le 8 Octobre 1943 au matin, cinq hommes de la Gestapo se présentent chez Achiary pour l'arrêter comme ils ont arrêté Beret. Il est encore au lit et sa femme aussi. Ils sont revenu la veille d'un séjour à la montagne, mais ils sont arrivés tard et le voisinage ne s'est pas aperçu de leur retour. Mme Achiary avait pris la précaution de tout refermer, y compris le compteur électrique. Comme la sonnette ne marche pas, les Boches secouent la grille et appellent. M. et Mme Achiary comprennent et font les morts. Les Boches essayent d'ouvrir, et n'y parvenant pas, interpelle quelqu'un qui passe. Achiary n'entend pas la réponse, mais présume que le voisin à dû dire qu'ils n'étaient pas là. Les Allemands repartent et immédiatement Achiary et sa femme, qui a toujours été sa collaboratrice directe, se lèvent et filent. Heureusement, car, comme il le sut par la suite, les Allemands reviennent dix minutes plus après pour établir une surveillance dans la maison. Il se rend par la suite à son bureau pour détruire tous papiers compromettants, faux cachets, exemplaires de journaux en attente, etc... Le lendemain, la perquisition ne donne rien.

Après leur évasion Achiary et sa femme sont dans la nature. Thomas a été également arrêté et remplacé à la tête du réseau par un avocat de Marseille, André Boyer, c'est à ce moment-là qu'il prend le nom de "BRUTUS". Boyer est doublé par son alter ego, Defferre. Achiary va rejoindre Boyer, un de ses amis, à Lyon. Boyer et Defferre reviennent alors de Londres, où ils ont pris des contacts avec Passy et le B.C.R.A. Puis tout le monde va se fixer à Paris. Ils arrivent dans la capitale le 8 Novembre 1943. Il vient d'y avoir là une série d'arrestation dans le réseau, dont celle de Sudreau (à la D.G.E.R.), de Clavé, dit Balzac.

Après un peu de temps, les fuites s'étant produites, dans leur entourage vraisemblablement, d'autres arrestations se produisent dont celle de Boyer, de Michel Bauer et de plusieurs autres. Il ne reste plus que Achiary, le fils de Jules Moch et Defferre. On a des preuves de l'identité du délateur, car tous ceux qui sont en prison s'arrangent pour faire parvenir des messages dénonçant "Blanc", alias Cosinus, Carre de son vrai nom, d'origine Tchécoslovaque.

Donc trois agents seulement restent en contact. Raymond Moch se montre absolument admirable, un des rares Juifs ordinairement courageux qu'il fut donné à Achiary de connaître, avec Daniel Mayer. Lorsque Defferre prend la direction du réseau, Achiary devient son adjoint, tandis que Raymond Moch fait la navette dans toute la France.

D'après les instructions données par Londres, la France est divisée en deux zones, Nord et Sud. Pour la zone Nord, le chef est Martin, qui s'est échappé des mains de la Gestapo, dans la gare même de Toulouse; amené dans une pièce de la Petite Vitesse, son interrogatoire débute à peine qu'il bondit sur la porte et s'échappe, essuyant des coups de feu. Pour la zone Sud, le chef est Bloch, un médecin de Sassenage, près de Grenoble.

Defferre coiffe les deux zones, chacune étant divisée en : région Parisienne, Nord, Est, etc. Et couvrant à peu près l'ensemble du territoire.
Dès son entrée en fonctions, il doit régler deux incidents d'ordre intérieur. Tout d'abord le sort du traître. C'est le frère de Bauer, du M.L.N. qui revendique l'honneur de l'abattre, pour venger son frère. L'affaire traîne un peu, parce que Bauer n'a pas beaucoup de moyens, et Defferre et Achiary trouvent que cela devient dangereux, car ils se trouvent un jour un à un avec Blanc.

Un groupe de combat est créé et blanc est exécuté en pleine avenue du Maine à Paris à 1h de l'après-midi. On a cent certitudes de sa culpabilité. Le second souci est celui de dissimuler Pietri, dit Perrin, un camarade agent de liaison qui s'est évadé du train qui l'emmenait en Allemagne (début 1944). À Compiègne, il réussit à se procurer un instrument pointu, et avec trois camarades Corses comme lui, ils se jettent du train sans trop connaître la technique. Pietri se relève plusieurs heures après sa chute dans un triste état. Deux des camarades sont morts, seul le quatrième n'a rien.

L'activité du réseau se poursuit tant bien que mal. Les alertes se multiplient, on sent que la fin approche. C'est aussi l'époque ou le B.C.R.A. envoie un certain Greco pour coordonner l'action des réseaux. Tout continue à fonctionner en liaison avec Greco.

En Avril – Mai, le M.L.N. s'étant désarticulé, est en vue de la bataille de la Libération, Defferre doit quitter Paris pour Marseille, pour organiser les maquis. Achiary reste donc seul, en liaison avec Greco. Le 2 Juillet 1944, ce dernier se prendre à Châteauroux avec tout ce qu'il avait sur lui, le courrier départ. Il a été prévenu que le filet se resserrait, amis il n'a pas changé pour cela son point de chute. Il provoque ainsi la catastrophe. Sa tenue est magnifique.

Alerté par les absences aux rendez-vous, Achiary prévient toutes les boîtes aux lettres. Il voudrait que sa femme se mette à l'abri, mais elle refuse obstinément. Dans la nuit du 4 au 5 Juillet 1944, après une alerte, il est avec elle dans le grand immeuble de l'avenue Felix Favre qu'ils habitent à l'époque. Il est cinq heures du matin. On frappe à la porte. Mme Achiary demande :"Qui est là ? – On répond :"Concierge". Elle ne reconnaît pas la voix, revient vers son mari et tous deux s'habillent en hâte, pendant que les coups redoublent et que la voix déclare maintenant :"Ouvrez, police Française ..." puis "police allemande". Pendant qu'on va chercher une barre de fer pour faire sauter la porte de chêne qui résiste, Achiary file par les toits. Malheureusement sa femme ne peut le suivre. Elle tient tête aux Allemands, qui fouillent partout, puis l'emmène. À partir de ce moment, on n'a plus rien su d'elle.

La même nuit, l'équipe Vedel est arrêtée. C'est une filature générale qui a probablement amené ce dernier coup dur.
Dans le groupe Vedel, une Tahitienne du nom de Povo Marenko, est revenue. Comme elle a été torturée, passée à la baignoire, il est à redouter que Mme Achiary n'ait subi le même sort.

Après cela, Achiary se trouve absolument seul pour faire marcher le réseau. Comme il n'a plus de fonds, il demande de l'argent au trésorier de la délégation De Gaulle, "X", qu'il rencontre par l'intermédiaire de Robert Lacoste. Assez mal reçu au début, tout s'arrange car son interlocuteur, arrivé très tard au restaurant, l'oblige à faire une longue marche après le couvre-feu de l'Opéra au quartier du Jardin des Plantes, chez Mme Gall, 10 rue Quatrefages, refuge qu'il s'est trouvé depuis les coups durs. Il reçoit quelque fonds quand même, de quoi alimenter quelque temps le réseau Est.

On arrive ainsi à la Libération de Paris, journées pendant lesquelles il s'intègre au groupe de la 4° section de "Libé-Nord". Vergnolle a abrité pendant longtemps ses papiers les plus importants. *
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Quelques mots sur le réseau en général. Tout le monde travaillait dans une haute atmosphère morale, se ressaisissant de façon magnifique après chaque catastrophe. Pitou et Blanc n'ont pas été recrutés par eux, ni ne faisaient parti du P.S.
Témoignage de M. Léon Achiary
Témoignage de Gaston Defferre
Vu par madame Merlat – le 5 Juillet 1946, au Provençal, 3 rue Caumartin à Paris

Originaire de Nîmes, avocat à Marseille depuis 1931, Gaston Defferre y était aussi secrétaire de la Xéme section socialiste avant la guerre. Il avait été absolument anti-Munichois en 1938. Mobilisé pendant "la drôle de guerre", il fut rendu "à la vie civile", le 27 Juillet 1940. Il avait été dès Juin, tout à fait hostile à l'armistice et, aussitôt rentré à Marseille, avit même pensé à rejoindre de Gaulle. Il était donc allé voir le consul d'Angleterre à Nice en vue de chercher un moyen de passer en Angleterre, mais avait échoué. Il ne lui restait plus qu'à retrouver les gens susceptibles de penser comme lui.

Recherche de contacts à Marseille (1940 - 1941)
Il revit tout de suite des socialistes : Maniccaci, qui devait devenir plus tard responsable du parti pour Marseille et Trompette. D'autre part, il prenait contact avec un de ses amis, non socialiste qui était déjà en rapport avec Londres. En effet, Nouveau qui plus tard devait diriger un important réseau britannique, s'occupait déjà de faire partir par l'Espagne des soldats et des pilotes anglais restés ou tombés en France. Dès l'été 1940, Defferre travailla épisodiquement avec le groupe Nouveau.

Defferre fut à partir de la même époque en contact très étroit avec un homme qui allait devenir son meilleur ami, l'ingénieur Antoine Boyer (mort en déportation). Il se mit entièrement d'accord avec lui pour une action commune.

En Septembre – Octobre 1940, Boyer fut touché par un officier du S.R. parachuté de Londres, envoyé par de Gaulle, le capitaine, aujourd'hui Colonel Foucault (alias Nick et Froment). Cet officier devait poser les bases d'unS.R. qu'on désigna quelque temps sous l'indicatif de Froment et qui devint plus tard le réseau BRUTUS. Fourcaud lui-même fut arrêté par Vichy en 1941. Au bout de quelque mois. Il s'évada et, par le réseau de Nouveau, put s'embarquer au Canet, plage de Perpignan, et regagner l'Angleterre. Pendant son emprisonnement et son absence, le responsable national de son S.R. était son frère cadet Boris.

Constitution du P.S. en zone Sud : En 1940-41, Defferre prit aussitôt de nombreux contacts avec des socialistes en vue de refaire l'armature du P.S. décimé par l'effondrement de la plupart de ses parlementaires. Il s'agissait de toucher ceux qui avaient voté contre Pétain. Defferre vit souvent Félix Gouin. Celui-ci fut un des premiers membres du Comité Directeur de zone Sud et, tous les Mardis, tenait chez lui des réunions où assistaient : Eugène Thomas, député du Nord replié à Marseille, Suzanne Buisson, Pierre Lambert, Coeydas et Defferre lui-même.

Liaison P.S. – Réseau Froment : Pour établir une liaison entre Londres et les premiers éléments du P.S. clandestin, on songe à se servir du réseau Froment. Il fallait donc établir le contact entre Gouin et Fourcaud. Defferre s'en chargea. Le P.S. avait déjà de solides bases dans la région Marseillaise, où socialistes et sympathisants constituèrent toujours le gros des troupes de la Résistance. D'autre part, pour donner une base solide au réseau qui était encore assez peu étoffé, on eu l'idée d'utiliser les camarades du parti. Thomas devint donc permanent à la fois pour le parti et pour le réseau. Il voyagea beaucoup à travers la zone Sud, de Marseille à Nîmes, Montpellier, Nice, Toulouse, P.S.& S.R. se superposèrent donc dans ces deux régions.

On commença aussi très vite à organiser des groupes de combats. Le premier chef en fut un certain capitaine Robert qui devait faire preuve en 1942 de tant d'esprit d'à propos, au cours de négociations dont on l'avait chargé avec le général Giraud, qu'on du le chasser et le faire sortir de France par l'Espagne. Son successeur fut un colonel de la Légion, cousin de Fourcaud, nommé Vincent et beaucoup plus connu sous le nom de "Veni"(il est aujourd'hui, parait-il, un membre du P.C.).(Groupes Veni qui battaient les campagnes du Lot en 1944). Il fallut d'ailleurs se débarrasser de Veni qui était un parfait aventurier.

Le réseau faisait ses émissions clandestines dès 1941. Il eut de nombreux postes émetteurs à Marseille et dans la région; aussi les premières manifestations patriotiques de la région furent-elles immédiatement connues de Londres qui put en faire le récit le même soir à la B.B.C. Londres diffusa par exemple la manifestation qui eut lieu en Mars ou Avril 1941, lors de l'entrée en guerre de la Yougoslavie. Le P.S. avait voulu aussi organiser quelque chose pour le 14 Juillet (1940 ou 1941 ?). Gouin avait fait imprimer des papillons, appelant la population à manifester. Defferre et quelques autres les avaient collés ; mais ce fut un échec.

Liaison P.S. et C.G.T. – Contacts avec les autres groupes de zone Sud (1942).
Defferre avait été chargé par le Comité directeur de la zone Sud de se mettre en relation avec Léon Jouhaux, alors en résidence forcée à Cahors ou à Montauban. On voulait faire partir Jouhaux pour l'Angleterre. Defferre arriva chez Jouhaux qui le reçut d'abord assez mal, puis peu à peu, mis en confiance, les choses s'arrangèrent et Defferre descendit chez lui à chaque voyage. C'était vers le moment (Avril - Mai 1942) où Gouin partit pour Londres.

On en était à l'époque de la propagande pour la relève, au début du S.T.O. Il fallait déjà rechercher des planques à la campagne pour les jeunes qui ne voulaient pas aller en Allemagne. On recevait pour cela un peu d'argent de Londres, mais en quantité insuffisante; alors que le mot n'etait pas encore employé, il y avait là, la préfiguration des premiers maquis, mais cela ne marcha pas.
En 1941 – 1942, Boyer avait eu des contacts avec d'Astier, Frenay et Jean Moulin.
En Avril 1942, Boyer représenta le groupe à une réunion qui se tint à Toulouse et au cours de laquelle on envisageait pour la première fois, les modalités d'une fusion.

Il y retrouva : Pineau, Morandat, Moulin, Frenay, d'Astier. Mais l'affaire tourna court.
Boyer voyait assez souvent d'Astier qui, logé chez un Russe à Nice, jouait les grands seigneurs ; il voyait aussi, ainsi que Defferre, assez souvent Pineau qui ne manquait pas d'ambitions. Au début de 1943, Pineau avait son projet de fusion, et il en fit part à Defferre. Voyant l'extension qu'avait prise la Résistance et le parti qu'on pouvait en tirer plus tard, il voulait dès ce moment, coiffer celle-ci par une sorte de triumvirat où il mènerait le jeu. Les partenaires eussent été d'Astier (?) et Defferre. Celui-ci pressenti, repoussa la proposition qui lui était faite.

En Novembre 1942, Defferre fit la connaissance de Manuel. Celui-ci avait été envoyé en mission par le B.C.R.A. deux mois plus tôt. Il était déjà venu à Marseille en Septembre, mais Defferre ne l'avait pas vu. Lorsqu'il le vit Manuel venait chercher Massigli.
À la fin de 1942, après l'entrée des Allemands en zone Sud, tous furent rapidement brûlés ; des camarades du groupe avaient été peu de temps auparavant arrêtés à Paris et, parmi eux, un Grec du nom de Nouveau. Ce dernier avait été en Mars 1942, interrogé sur Defferre et sur Boyer. Le danger était donc certain pour eux. Ils décidèrent donc de rester prudent quelque temps ; les choses se gâtèrent en Décembre, pendant les fêtes de Noël, les Allemands vinrent pour arrêter Defferre à son bureau. C'était un Dimanche matin, il n'y était pas. Averti aussitôt, il put filer, à la même époque Boyer et Boris Fourcaud gagnèrent Londres en avion.

Le réseau BRUTUS quitte Marseille (Janvier 1943)
En Janvier 1943, Boyer se rendit à Londres pour reVenir à la lune suivante (mi-Janvier). Defferre reprit contact avec lui à Béziers chez Pierre Malafosse.

Defferre connaissait Malafosse depuis Août 1940, où il avait été amené à son bureau par Boyer parce qu'il voulait alors essayer de partir pour l'Angleterre. Comme Defferre n'avait pu lui en donner les moyens, il était resté à Béziers, où il avait vite fait partie de Combat, peu après, il était devenu le correspondant du réseau FROMENT – BRUTUS à Béziers. C'est chez lui que Boyer se rendit directement lorsqu'il rentra de Londres. Defferre était alors revenu à Marseille, malgré le danger ; il n'y resta guère, puisque à la fin du mois de Janvier 1943, ,il eut la preuve qu'il était filé, et Thomas eut la confirmation que les suiveurs étaient de la Gestapo. Tous décidèrent donc de quitter Marseille. Durant l'absence de Boyer, Defferre était devenu le responsable national de BRUTUS. Il y avait eu tant d'allées et venues à son bureau qu'il était difficile que la police ne s'aperçût de rien. C'est à cette époque qu'il vit en particulier Anglauer, fondateur du réseau AJAX. Note que ce réseau ne fut pas fondé par Peretti, personnage assez médiocre qui fut repassé à AJAX par BRUTUS.

Après avoir quitté Marseille, Defferre et ses compagnons essayèrent de transférer le siège de BRUTUS à Lyon et le secrétariat général à Grenoble. Les co-directeurs étaient alors Defferre et Boyer. Le responsable du courrier était Bloch, dit Blond, qui sut se planquer pour éviter les coups et qui avait à son service des agents pour assurer la liaison entre Lyon, Grenoble et les succursales qui en 1943 couvraient toute la France. Le réseau disposait alors de 12 postes émetteurs et recevait de fréquents parachutages d'armes accompagné de café, tabac .... Defferre était à cette époque 5 ou 6 jours par semaine dans les trains.

Travail avec le P.S. (fin 1942 – 1943). La Résistance socialiste.
À la fin de 1942, Defferre devint membre suppléant au comité directeur de zone Sud. La Résistance fut essentiellement socialiste à Marseille, car le P.S. y prit une forme combattive dès le début, si bien que ceux qui voulaient agir n'avaient nul besoin d'aller vers les autres mouvements, dont les effectifs furent squelettiques. Les groupes Marseillais, chargés des attentats, des sabotages étaient en liaison avec les cheminots. Le groupe le plus important de Marseille à coté du P.S., était COMBAT avec Bertin – Chevance, "brave idiot" avec des idées extravagantes et sans le moindre sens politique. Ce fut le P.S. qui conçut et organisa la manifestation du 14 Juillet 1942 ; celle-ci rappelle les beaux jours de 1936 : 200 à 300.000 personnes défilèrent dans les rues. On en transmit le compte rendu le jour même à Londres et Schumann le passa intégralement, ce qui fit sur la population un effet énorme. Place de la Bourse, un membre du P.P.F. tira, tuant un homme. On décida de faire une nouvelle manifestation au cimetière, laquelle fut annoncée par la B.B.C. La police fit interdire de publier la date des funérailles. On délégua donc un étudiant en médecine, muni de fleurs et d'argent, auprès de la famille et l'on s'entendit avec celle-ci sur l'heure de l'enterrement, de sorte que la foule résistante se trouva là, malgré les efforts de la police.

Complément au témoignage recueilli par Mme Merlat et recueilli par Mme Granet en Janvier 1949.
.... À partir de 1942, ce réseau devint un gros réseau, recevant de très nombreux renseignements et envoyant un énorme courrier, (plusieurs kilos de papiers, de gros sacs) tous les mois, (à chaque lune) à Londres, soit par opérations aériennes, soit par opérations maritimes (mais jamais par l'Espagne). Londres, a plusieurs reprises, envoya au réseau des félicitations pour son activité qui permit des bombardements fructueux (par exemple celui de la base sous-marine de Marseille). Le réseau avait reçu des postes émetteurs (jusqu'à 7 ou 8) et des radios, malheureusement très inégaux et dont certains n'étaient pas à la hauteur de la tâche qu'on attendait d'eux – ni au point de vue du courage, ni au point de vue de la compétence. Il est vrai que ce métier était très dangereux, qu'il le devint de plus en plus, au fur et à mesure que les Allemands perfectionnèrent leur dépistage par gonio et qu'il fallait parfois émettre pendant 40 ou 45 minutes, quelquefois même une heure (car on était parfois longtemps avant d'obtenir le contact avec Londres), alors qu'au bout de 25 minutes, l'émission était dangereuse et plusieurs radios furent ainsi arrêtés. Aussi Boyer et Defferre durent-ils parfois assister aux émissions; quelques-unes eurent lieu en pleine ville (par exemple Avenue Victor Hugo).

La besogne était si complexe qu'il fallut, en 1943, créer un secrétariat administratif qui préparait le courrier (Londres donnait des directives pour le classement, par catégories, des différents renseignements, sur papiers de couleurs différentes, etc.).

Ce fut plutôt Boyer et Fourcaud qui s'occupèrent des émissions. L'une malgré le péril – eut lieu dans l'appartement même de Boyer. Defferre s'occupe, dans cette première période de l'occupation, surtout du P.S. Mais à partir d'Avril 1942, il s'en occupe très activement. A cette époque il apprend que la police Allemande est avertie de leur activité. En effet, un Grec, client de Defferre est arrêté à Paris par les Allemands. Il est fouillé. On trouve dans ses papiers une lettre de Defferre se rapportant à son métier d'avocat. À plusieurs reprises on interroge ce Grec et on lui demande s'il connaît Defferre et Boyer. On lui dit que ce sont deux gaullistes et que s'ils sont pris, ils seront fusillés. Le Grec réussit – Defferre ne se rappelle plus comment il a été relâché et il vient immédiatement prévenir Defferre et Boyer qui prirent quelques mesures de prudence. La police Française vient aussi le trouver à son bureau et l'interroge, lui demande s'il a reconstitué le P.S. A la suite de cette visite, Defferre se rend compte qu'il est surveillé : on place non loin de son bureau des agents, qui, heureusement, appartiennent au P.S. et qui le préviennent. C'est également en 1943, qu'un radio fut pris pendant qu'il émettait. Heureusement, il ne trahit pas.

Cette même année 1942, on commence à parler de "fusion" des mouvements de Résistance. C'est pour cette raison que Boyer alla à Toulouse, où il rencontra Yvon Morandat, d'Astier de la Vigerie et Frenay. Mais cette entrevue ne produisit pas immédiatement de résultats.

Déjà, en 1942, Defferre et Boyer avaient organisé des "groupes d'action" qu'on appelait ou "groupes Froment" ou "groupes Veni", du nom du Colonel Veni qui les dirigeait. Ces groupes étaient formés de camarades du P.S. dans les régions de Toulouse, Marseille et de la Dordogne. Mais ils ne formaient pas encore de maquis. Pourtant, la "relève" commençait à poser des questions ardues et urgentes que les organismes syndicaux devraient résoudre à brève échéance. C'est pourquoi Defferre alla trouver Jouhaux à Cahors où il était en résidence surveillée (voir témoignage de Jouhaux) et lui propose de créer des "maquis" avec les ouvriers touchés par la "relève" et qui ne voulaient pas partir. Il proposa aussi à Jouhaux de le faire partir en Angleterre en avion, Jouhaux refusa, pour rester plus près du monde syndicaliste. La proposition de Defferre sur les maquis n'eut pas, non plus, de suite immédiate.

(.....) À la fin de l'année 1942, Defferre et Boyer rencontrent plusieurs fois à Lyon Christian Pineau avec lequel ils étaient en relation depuis l'été 1942: celui-ci avait crée un réseau. Mais il fut arrêté par Vichy et Boyer géra son réseau en son absence. Il réussit à s'évader en sautant d'un train, reprit la direction de son réseau et revint trouver Defferre en Août 1943 pour lui proposer un plan de résistance pour toute la zone Sud, mais il parut peu applicable à Defferre qui refusa.

A partir de Novembre 1943, les allemands occupèrent la zone Sud et Marseille. La situation devint, immédiatement, beaucoup plus difficile, et plus dangereuse. Un beau jour, Eugène Thomas s'aperçut qu'il y avait une "filature" près du bureau de Defferre. On fit donc surveiller le type qui faisait ce métier. On le suivit, et on constata qu'il entrait dans l'immeuble de la Gestapo. Defferre pensa que le mieux était de disparaître temporairement. Il s'en alla en Camargue, dans la propriété de son beau-frère. Il y passa huit jours et revint à Marseille où il resta jusqu'en Janvier 1943. Il partit alors pour Lyon.

Entre temps (fin 1942), Boyer alla à Londres en avion avec Boris Fourcaud. En son absence, Defferre dirigea le réseau (pendant un mois environ). Boyer revint autour du jour de l'an 1943. A Londres il vit de Gaulle qui lui fit assez bonne impression (énergique, etc.) ainsi que Passy et il rapporta un certain nombre d'instructions. Le réseau s'appelle, dès lors, officiellement, "BRUTUS".
Après son retour, Boyer alla à Béziers chez son ami Malafosse qui était aussi l'agent du réseau pour la région de Béziers. Il aurait aimé partir à Londres. Defferre essaya de le faire partir par le réseau d'évasion de Nouveau. Mais, à cette époque, il ne s'occupait que des officiers Britanniques, Malafosse resta donc en France et continua à s'occuper du réseau. Il fut même arrêté par la Gestapo en Février 1943, il réussit, miraculeusement, à s'échapper (par une fenêtre, croit Defferre), mais les Allemands mirent sa maison à sac.
Peu après le retour de Boyer, en Janvier 1943, tout l'Etat-Major du réseau s'en alla à Lyon où il fallut s'installer, ce qui n'était pas commode dans une ville surpeuplée. Defferre coucha dans la banlieue de Lyon dans la maison qu'y possédait la fille de Suzanne Buisson. Cette dernière habitait Lyon. Puis Defferre finit par trouver un appartement à Lyon.

Boyer resta le chef du réseau et Defferre fut son adjoint. Ils ont des responsables dans toute la France : la zone Nord fut organisée par Eugène Thomas et le Dr Poupault. À Lyon, l'agent principal du réseau est Jean-Maurice Hermann (que Defferre prit, plus tard, comme directeur de son cabinet quand il devint ministre de l'Information).

Le réseau, à partir de 1943, est bien organisé : il reçoit pas mal d'argent. Il a des agents "professionnels", habitués à l'espionnage qui font un travail extrêmement fructueux, mais qu'il faut payer. Il a un nombre important de postes émetteurs (7 à 8), etc.
Les principaux responsables sont (sous la direction de Boyer – Defferre)
- pour la région Parisienne : Poupault
- pour la région Toulousaine Malafosse
- pour la région Lyonnaise Hermann
- pour la région Marseillaise Barthélemy (tué plus tard par les Allemands)

Le secrétariat siégeait à Grenoble : il avait pour fonction de mettre le courrier en ordre. Il était confié à un interne en médecine, Bloch, dont Defferre dit qu'il poussait la prudence à l'extrême. Par contre, la secrétaire de Defferre, avocate elle-même, était Ginette Kahn, fille extrêmement courageuse et remarquable à tout point de vue. Elle fut arrêtée et déportée, mais est revenue (et mariée).
Les finances étaient confiées à quelqu'un qui était également très bien, très ordonné, très dévoué et très courageux : Achiary, ancien instituteur (actuellement en Algérie).

Les groupes d'action se développent et en 1943 sont séparés de l'A.S. et aussi (naturellement) séparés des groupes de renseignements. Ils sont importants surtout dans les régions de la Dordogne et de Toulouse. Certains sont complètement clandestins, les autres non. Defferre et Veni continuent à agir pour obtenir, par l'intermédiaire de Max, la reconnaissance officielle par Londres de ces groupes d'action. Les renseignements arrivent de plus en plus abondants, grâce en particulier, à l'agent que Defferre avait à Vichy : Vidal (actuellement au Ministère de l'intérieur).

Pendant l'année 1943, Defferre fit fonctionner le réseau avec des alternatives de succès et de coups durs : par exemple, en Mars, Eugène Thomas fut arrêté à Paris, et, par suite, le réseau de Paris fut détruit. Il fut rapidement reconstitué grâce à Sudreau (actuellement directeur au Ministère de l'intérieur).

Parmi les incidents qui marquèrent cette période, Defferre en note un qui se rapporte aux départs en avion. C'est le réseau "Vector" qui se chargeait de ces départs et arrivées d'avions qui emmenaient – et apportaient – courrier et gens. Vers Juillet 1943, Defferre s'était occupé à faire partir Frank Anglauer (pseudo Antoine) qui avait fondé le réseau Ali – AJAX, or, le jour où Defferre devait recevoir Antoine et le mener au terrain d'atterrissage, il fut tout surpris de voir arriver, non pas Antoine, mais Peretti, qui, dit celui-ci, remplace Antoine pour le voyage à Londres, Peretti partit, en effet à Londres. Mais trois jours plus après, arrive à son tour Antoine, furieux qui raconte à Defferre que Peretti a pris sa place, sans son accord. Il était évidemment, parti à Londres pour devenir le chef du réseau. C'est ce qui arriva, d'ailleurs. Il revint, la lune suivante, comme chef du réseau AJAX, (qui devint son nom), et c'est Defferre et Boyer qui lui indiquèrent comment on faisait fonctionner un réseau. Quant à Antoine, il partit, un peu plus tard, pour Londres, puis Alger et il y resta.
C'est en Juillet 1943 aussi que fut arrêté Malafosse, à Toulouse. Son adjoint Morel (Alfred Martin) – secrétaire fédéral de la fédération socialiste des Bouches du Rhône – le remplaça. Mais, en même temps, on étudie les possibilités de faire évader Malafosse. C'est surtout Martin et Boyer qui s'en occupèrent. Ils réussirent à organiser tout un scénario qui fut couronné de succès. Ils obtinrent la complicité précieuse dune avocate de Toulouse. D'abord, ils obtinrent un faux ordre d'extraction de Malafosse pour un soi-disant interrogatoire dans le cabinet du juge d'instruction. Puis, ils purent faire changer les équipes de gendarmes. En temps voulu, ils téléphonèrent, soi-disant de la gendarmerie, à la prison pour ordonner de préparer le détenu à sortir. Peu de temps après arriva à la prison une voiture noire (ils n'avaient pas pu avoir une vraie voiture de la gendarmerie) d'où sortirent deux camarades de la résistance, déguisé en gendarmes, portant des menottes. Avec Defferre en civil et Boyer habillé, lui aussi en gendarme. Les deux gendarmes entrèrent dans la prison : Malafosse était prêt, il fut immédiatement remis aux gendarmes qui lui passèrent les menottes et l'emmenèrent. Il montant voiture, celle-ci s'arrêta dans un bois quelques kilomètres de là. Tous restèrent dans ce bois deux jours:ils etaient armés jusqu'aux dents. Ils montèrent ensuite dans un camion, changèrent de vêtements et ne furent pas inquiétés. Malafosse alla ensuite à Lyon et de là à Londres en avion (Août 1943). Cette évasion fut parfaitement réussie, sans un accroc.

En Septembre 1943, Boyer et Defferre vont à Londres, avec une double mission, à la fois pour leur réseau et pour le parti socialiste.
1/ Pour le réseau, ils ont à faire un travail de documentation, à apprendre les codes nouveaux, à se mettre au courant des nouveaux systèmes adoptés pour les courriers, etc.

Ils veulent aussi faire reconnaître par Londres non seulement le réseau, mais aussi les "groupes d'action" en tant que mouvements séparés, "La France au combat" qui serait, en somme, le 4° grand mouvement de la zone Sud.
Pour tout cela ils voient Passy, Manuel, Philip, Georges Boris, Pierre Bloch, Frenay (avec qui ils ont de vives discussions), Mederic, Bordier-Brunswig, etc.

On leur fait la promesse que leur mouvement sera reconnu si le général de Gaulle est d'accord.
Boyer repart alors pour la France(fin Septembre ou début Octobre) après un séjour d'une quinzaine de jours, tandis que Defferre part à Alger où il veut voir tout de suite de Gaulle pour régler la question de la reconnaissance du mouvement, et aussi pour remplir sa mission politique, à propos du P.S. Il voit aussi le général Giraud et tous les ministres ainsi que beaucoup de membres du parti socialiste comme Le Troquer, Moch, etc. Defferre resta 15 jours à Alger dont l'atmosphère lui parut très antipathique. Les Petinistes y étaient très nombreux et influents.

Defferre repartit à Londres où il resta 3 jours, puis à Paris par un Lysander qui atterrit dans l'Allier le 7 ou 8 Novembre. Quand il arriva à Lyon, il s'aperçut que tout etait brouillé : il ne trouve d'abord personne. Il se rend dans un local connu : personne n'ouvre. Il apprend que la Gestapo y est venu peu de jours auparavant. Enfin, il rencontre Daniel Mayer et Augustin Laurent, qui lui donnent les adresses de quelques camarades avec lesquels il reconstitue son réseau. Mais, vite ils sont tous arrêtés un ou deux jours après (en particulier Ginette Kahn, le fils d'Evrard et un basque nommé Ytier).

Defferre s'en va alors à Paris et y retrouve Boyer, Sudreau, J-M Hermann, etc. À peine une semaine après, J-M Hermann et Sudreau sont arrêtés par la Gestapo. Le réseau est donc en bien mauvais état, puisque les groupes de Paris et de Lyon sont décapités.
Cependant, Boyer et Defferre remontent le tout. Malheureusement, un mois après Boyer est arrêté à Paris par la Gestapo, "donné" par un agent double, nommé Blanc (pseudo : Cosinus).

En même temps des séries d'arrestations à Toulouse, Bordeaux, Marseille, désorganisent l'ensemble du réseau.
Defferre eut énormément de peine à tout reconstituer. Il réussit tout de même, trouva des hommes, reçut des appareils radios par parachutage pour remplacer ceux que les Allemands avaient saisis.

En même temps, il dut s'occuper de l'organisation des "groupes de Combat". En effet, de Gaulle avait accepté de les reconnaître comme mouvement séparé "La France au Combat" : cette acceptation avait été connue avant l'arrestation de Boyer (et même avant le retour de Defferre) qui avait amorcé le travail d'organisation avec Jacques Bingen, délégué du général de Gaulle en France. Boyer, comme chef de ce 4° mouvement de zone Sud, avait même siégé pendant un mois au Comité directeur des M.U.R. Ce fut Defferre qui le remplaça à ce comité après l'arrestation de Boyer, puis il se fit remplacer à son tour par Lacoste au début 1944. En Janvier 1944, Defferre participe à la constitution des noyaux actifs des C.D.L. clandestins. L'entrevue, Avenue du Président Wilson, fut orageuse, et les discussions âpres entre ces représentants du F.N. (Madeleine Braun, Bonnin) du P.C. (Maranne) et les représentants des autres mouvements : Copeau, Bourdet (ou Bertin), Avinin (Franc-Tireur) : l'antagonisme P.C. – P.S. était très vif.

A cette époque aussi, Defferre s'occupe activement d'intégrer ses groupes d'action aux F.F.I. Pour cela, il fait venir à Paris le Colonel Veni. Mais il se trouve en face de terribles difficultés. En effet, Veni était entré en relation avec une mission Anglaise parachutée dans la région du Lot et dirigée par un officier Anglais qu'on appelait "George", et qui etait lui-même en relation avec Malraux (Defferre note en passant que Malraux a uniquement travaillé avec les Anglais) . Comme les Anglais lui fournissent des armes et de l'argent en quantités bien plus considérables que Defferre, Veni ne veut pas entendre parler de fusion avec les F.F.I. et veut continuer à agir en liaison avec la mission "George". Pour régler cette épineuse question, Defferre décide de réunir une sorte de conseil de guerre comprenant outre lui et Veni, le Colonel Fourcaud et l'Anglais George, qui est attaché à l'Ambassade de Madrid, très intelligent et distingué. Le rendez-vous a lieu rue Saint André des Arts. Defferre essaie de convaincre Veni de cesser de travailler avec les Anglais, car Defferre considérait cela presque comme une trahison, et d'établir un accord entre les Anglais et les F.F.I. : pour cela il arrangea un autre rendez-vous où vint en outre Bertin-Chevance. Malheureusement aucun accord ne fut possible. Comme Veni voulait à toutes forces rester avec George, Defferre nomma près de lui deux adjoints qui avaient pour mission d'abord de contrôler les troupes, puis, au besoin, de se substituer à Veni. Ces deux adjoints furent : Leger, ancien maire d'Evian et Berthoumieux, pharmacien à Toulouse qui vivait déjà dans la clandestinité et etait aussi responsable du P.S. à Toulouse. Tous deux furent arrêtés et moururent en déportation.

À ce moment (printemps 1944), l'activité de Defferre fut paralysée à deux reprises, par une appendicite qui l'immobilisa plusieurs semaines (il se releva trop tôt la première fois). Il perdit ainsi contact avec Veni qui, volontairement,évitait de le rencontrer. Dès qu'il fut remis, Defferre organisa un rendez-vous à Lyon avec Fourcaud (qui avait à cette époque, un maquis près de Lyon) pour lui demander d'être arbitre dans l'affaire Veni. Avant sa maladie, Defferre avait d'ailleurs pensé à faire enlever Veni par un camarade et à le faire transporter en Savoie où il aurait pu prendre la direction des troupes de la région.

Quand Defferre est guéri (vers la fin Mai) les résistants reçoivent l'ordre de se rendre immédiatement dans leurs zones respectives, comme il avait été convenu. Pendant que Defferre etait malade, on avait envisagé que les chefs des mouvements pourraient s'installer dans le centre et rester en contact avec leurs mouvements. Mais Defferre trouve cet arrangement fort dangereux et refuse. Pour lui, il part en Avignon le 13 Mai: il y reste deux semaines et, de là, il dirige son groupe tout en continuant sonnaille politique. Il faillit, d"ailleurs, y être tué au cours du bombardement du 27 mai.

Puis le 1er Juin, il rejoint Marseille. Il y organisa la Résistance, tant à Marseille que dans les environs où se trouvent les maquis de la Sainte Baume et de Trêts. Defferre resta à Marseille jusqu'à la Libération (25 Août): la ville etait très dangereuse, les arrestations fréquentes : les 3 frères Barthélemy furent tués en deux jours, en Juin, dans la rue. Defferre lui-même faillit être pris plusieurs fois. Mais jusqu'à la fin, Defferre put s'occuper de son réseau, il fut tenu au courant de ce qui s'y passait (dans toute la France) par les agents de liaison, qui voyageaient par chemin de fer ou en vélo. Par exemple Henri Noguères vint le voir de Montpellier, en vélo. Lui-même utilisait le vélo ou même le chemin de fer pour ses déplacements dans la région.

Pour ce qui est du groupe d'action Veni, la situation etait difficile. Lorsque, le 6 Juin, ,on reçut l'ordre d'attaque, Veni envoya un officier Anglais, René (vrai nom : Firmin Boiteux, père d'origine française) attaquer les Allemands avec les hommes du maquis. Le combat fut rude : le maquis tua 30 Allemands, mais eut 13 tués et des blessés, dont l'officier Anglais, et fut obligé de se disperser. Cette dispersion empêcha Defferre de rejoindre le maquis et d'en prendre la direction le 7 ou le 8 Juin, comme il en avait l'intention. Il vit l'officier Anglais blessé et lui dit que Veni avait outrepassé ses pouvoirs et trompé ses camarades en prétendant agir de la part de Defferre alors qu'il n'avait, en fait, pas le droit de commander. L'officier Anglais ne crût pas Defferre. On télégraphia à Londres pour régler le différend. Londres répondit à l'Anglais de s'accorder avec Defferre (la correspondance avait lieu par l'intermédiaire du D.M.R. qui s'appelait "Circonférence").
Puis l'affaire fut réglée lorsque Kœnig prit la Direction de toutes les troupes de l'Intérieur, anglaises comme française.

Les mois de Juin et de Juillet furent un période agitée, tout occupée à préparer l'insurrection qui devait conduire à la Libération. Les Allemands étaient nerveux et impitoyables (fusillades dans les environs de Marseille). Les besognes militaires alternaient avec les besognes civiles. Il y avait des réunions du C.D.L clandestin. Et, en même temps,on entraînait et organisait les troupes. Les milices socialistes, à Marseille, étaient nombreuses et actives. Defferre les maintenait en bon état d'entraînement : il leur faisait exécuter un attentat important chaque semaine. Le plus spectaculaire fut la destruction, en pleine Canebière, à midi, du siège du P.P.F. (qui sauta grâce à du plastic, mais un peu trop tôt, à midi, alors qu'il était vide).

Avant les combats de la Libération, les troupes armées de Marseille ne comptaient guère plus de 1.000 hommes, dont 700 milices socialistes, 740 F.T.P. et environ 156 M.L.N. (après la Libération, le nombre atteignit plusieurs milliers). Les armes etaient assez nombreuses et variées : mitraillettes, grenades, bazookas, revolvers, plastic.

Après le débarquement du 15 Août, la ville devint nerveuse. Bien qu'on n'ait aucun renseignement précis sur les événements, on sent, dit Defferre que "la température monte", et qu'il faut passer à l'attaque. C'etait une grosse responsabilité, car les Allemands disposaient à Marseille de 12.000 hommes. L'ordre d'attaque fut cependant donné le 18. Des barricades furent construites. De toute parts, on tirait sur les Allemands. L'attaque se développa rapidement dans la journée du 1!, de façon assez anarchique, dans tous les quartiers. Defferre dirigeait personnellement les attaques des milices socialistes. Il circulait dans la ville assez facilement, ayant réquisitionné une voiture de pompiers qui, en cornant, passait partout. Mais, au bout de deux jours, les Allemands le démasquèrent et tirèrent sur lui. La préfecture fut occupée par la Résistance, sans difficulté, le 2° jour du soulèvement, le 19 Août (le Préfet, Maljean, comme il l'avait promis à la Résistance, se rendit le 18 Août, il fut interné dans un moulin qui appartenait à un ami de Defferre avec d'autres prisonniers, dont plusieurs Allemands. Mais une batterie Allemande tira dessus, tua plusieurs prisonniers – dont des allemands – et effraya les autres, dont le Préfet qu'on interna ailleurs.

Les combats durèrent une semaine. Quand les alliés arrivèrent à Marseille, les barricades coupaient toutes les rues de la ville et les Allemands n'osaient plus rouler.
Après le départ des Allemands, Defferre fut le premier maire de Marseille.

II – Activité dans le P.S. clandestin.
Dès l'automne 1940, Defferre avait revu Gouin et son ami Horace Manicacci (qui etait le secrétaire de la 10° : Marseille comptait avant la guerre 12 sections socialistes, ce qui faisait bien 2.000 militants socialistes). Manicacci avait pris sa retraite d'employé municipal de Marseille à la suite de la prise de pouvoir de Pétain. Il demanda à Defferre de participer à la reconstitution clandestine du parti. Celui-ci accepta. Il fallait agir avec prudence et ne prendre contact qu'avec des camarades sûrs : Defferre estime qu'au début, on ne réunit guère plus d'une cinquantaine d'adhérents. Ce nombre augmenta à la fin de l'occupation. Mais il fallait les tenir bien en main. Et il fallait aussi rester en rapport avec les responsables de la région et avec les dirigeants du parti. Aussi, Defferre se rendait-il tous les Mardis à une réunion qui avait lieu au bureau de Gouin, rue de la Darse. Celui-ci etait en contact avec le comité directeur du P.S. en zone Sud qui comprenait : Daniel Mayer, Felix Gouin, André Philip, Suzanne Buisson, et peut être Hussel. Gouin transmettait au petit groupe des Bouches-du-Rhône les instructions du comité directeur.

L'activité des socialistes clandestins se bornait à cette époque :

1) A la diffusion des tracts et journaux clandestins édités par les mouvements de résistance du Midi (Combat, Libération, plus tard Franc-Tireur, et à partir du printemps 1941, le "Populaire" clandestin fondé par Thomas et Gernez dans le Nord).

2) À fournir tous les renseignements militaires récoltés ça et là, qu'on transmettait aux réseaux (pour Marseille, Defferre centralisait tout pour son réseau "BRUTUS").

3) À faire quelque petits sabotages (par exemple, dans le port, sur les quais, etc.). mais Defferre remarque que c'etait assez peu de chose. L'activité du P.S. avait surtout un intérêt moral : entretenir l'esprit de résistance, le répandre. A cette époque (1940-1941), il n'etait pas encore très fort dans le Sud de la France : Pétain conservait un certain prestige; les gens avaient peur de se compromettre . La preuve de ces sentiments de la population peut être fournie par l'échec d'un essai de manifestation le 14 Juillet 1941 et qui a échoué. Defferre et ses amis collèrent pendant toute la nuit du 13 au 14 un nombre important de papillons sur les murs de la ville. Ils etaient très visibles, entourés d'une bande tricolore. La police, de bonne heure, en arracha un grand nombre. Mais ceux qui restèrent n'attirèrent guère l'attention de la foule qui les regarda à peine. Aucune manifestation n'eut lieu. Il y avait donc fort à faire au point de vue moral. L'année 1942 amena un revirement très net dû à des faits assez complexes (situation générale, par exemple) et aussi à l'activité des mouvements et, en particulier, dans la région Marseillaise, du P.S. Les membres appartenant souvent, en même temps, à des mouvements et réseaux comme Brutus – et on forma, avec eux des "groupes de combat", tenus pour l'instant, en réserve. Ce fut, répète Defferre la seule région de France où il y eut des groupes de combat spécifiquement socialistes. Les responsables de cette action de combat furent Trouve et Trompette. Ce dernier est maintenant conseiller municipal de Marseille. Mais Trouve fut arrêté et est mort en déportation.

Pendant toute cette période, précise Defferre il n'y a à sa connaissance aucun communiste dans la résistance. Ils se refusent à toute action.
Les progrès de l'esprit de Résistance – et le déclin de la popularité du gouvernement de Vichy – purent devenir évidents lors du 14 Juillet 1942. Une immense manifestation fut organisée par le réseau Brutus qui réunit deux à trois cent mille personnes. Faites avec l'approbation de Londres, la manifestation fut commentée dès le lendemain à la B.B.C. ainsi que le récit des obsèques de la victime de la manifestation, deux jours plus tard. Ces récits de la B.B.C. furent comme la preuve de la puissance de la résistance et accrut énormément le prestige des mouvements.

Defferre avait l'intention de faire une manifestation du même ordre le 11 Novembre 1942, mais l'arrivée des Allemands dans le Sud rendit la chose impossible. À partir de ce moment, le recrutement devint de plus en plus facile, et l'on dut, au contraire, le freiner pour des raisons de précautions.

Les sections clandestines du P.S. tenaient assez régulièrement des congrès régionaux comprenant les "responsables". L'un d'entre eux se tint dans le bureau de Defferre au 70 rue Mongrand à Marseille. Ces congrès discutaient les questions concernant la diffusion des tracts, l'organisation des sections reconstituées, leur action, les rapports avec les mouvements de résistance, etc.

Les socialistes de zone sud avaient constitué un "comité directeur" de zone Sud dès le début de la résistance : Defferre y fut, d'abord, membre suppléant avec Lambert, Coeydas et quatre ou cinq autres, (dont peut-être Alex Roubert). Il entra ensuite au comité directeur (peut être en 1943 après l'arrestation de Thomas). En été 1943 (Mai-Juin) les Comités directeurs de zone Nord et zone Sud furent "coiffés" d'un "Comité exécutif" composé de Daniel Mayer, G. Jacquet, R. Verdier, Augustin Laurent, René Blum, Ch. Dumas, A. Dunois, etc.
En 1943, (deuxième quinzaine d'Octobre) il fut chargé d'une mission à Londres et Alger, à caractère à la fois politique et résistant pour "BRUTUS".

Au point de vue politique, filetait chargé d'examiner quels etaient les camarades socialistes qui devaient être désignés pour siéger à l'assemblée consultative. À ce sujet, il vit en particulier Gouin qui etait parti à Londres dès 1941. Il vit aussi – à Alger – Jules Moch, A. Philip, Pierre Bloch, etc. qui avaient tous rejoint Alger en Octobre 1943. C'est au cours de ce voyage, qu'il fit un rapport très important sur l'activité du P.S. Ce rapport etait la suite d'une longue lettre écrite à Gouin sur la situation politique de la résistance.

A Alger, Defferre vit le général de Gaulle qui fut très aimable : il n'était pas complètement débarrassé de Giraud. On s'occupait, à ce moment, des travaux préparatoires à la réunion de consultative : Defferre y participa, discuta des noms de ceux du P.S. qui devaient y entrer, mais refusa d'y siéger lui-même, car il voulait revenir en France s'occuper de "BRUTUS", malgré les dangers que son retour présentait et l'avis contraire du B.C.R.A.. Defferre note que, dans ses conversations avec de Gaulle, il lui conseilla de prendre comme ministre socialiste Le Troquer et, finances Mendés-France qu'il considérait comme le meilleur financier du moment.

Defferre revint en France en passant par Londres et l'Ecosse. À l'aérodrome Ecossais, il rencontra plusieurs socialistes qui passaient, en route de France à l'assemblée consultative d'Alger, comme Vincent Auriol, Jules Evrard, Froment.

Defferre etait de nouveau en France au début de Novembre 1943. Il fut nommé responsable de la zone Sud par le P.S. (tandis que Jacquet l'etait pour la zone Nord) et il entra au comité exécutif. Ce comité siégeait à Paris où, peu à peu tout se centralise (fin 1943). Il fait de fréquents voyages entre le Nord et le Sud où il regroupe tout le parti de la zone Sud, prépare les groupes de combat, voit les responsables des principaux centres de la zone Sud, par exemple ceux de Toulouse (Berthoumieux, Nave, puis Badiou).

En 1944, Defferre doit aussi s'occuper de l'organisation des C.D.L. clandestins : ce ne fut pas une chose facile, car à ce moment-là le P.C. avait fait son apparition dans la résistance et voulait tout accaparer ; Defferre eut avec eux des "bagarres terribles ". Par sa persévérance, il obtient que les socialistes entrent dans les C.D.L. mais après des "difficultés sans nom". C'est à ce sujet qu'il entra en rapports avec Closon et qu'il mit celui-ci en rapport avec Leenhardt qui s'occupa, par la suite de l'organisation des C.D.L.

En Mars 1944, dès qu'il fut remis de son appendicite, Defferre partit pour Lyon et échappa de peu à un coup de filet au cours duquel furent arrêtés plusieurs de ses collaborateurs. La Gestapo avait occupé le local où devait se tenir le Comité Directeur socialiste de zone Sud, c'est-à-dire les bureaux d'une "Société d'Epargne" que dirigeait un ami, nommé Gaillard. Prévenu, au sortir de la gare, Defferre va à un autre rendez-vous et échappe ainsi à l'arrestation, tandis que sont pris : Berthoumieux, Leger, maire d'Evian, Gaillard père te fils, Suzanne Buisson, etc.. Echappèrent au coup de filet, outre Defferre, Missa, Noguères, Malacrida et Daniel Mayer.

C'est à la réunion de ces comités que furent prises deux décisions, dont l'une seule fut exécuté : la première, celle qui fut exécutée, fut, sur la proposition de Defferre d'exclure du parti, Lazurick, personnage malhonnête, qui trafiquait de toutes façons, soit avec les Allemands, soit sur l'or, etc. Il est maintenant directeur de l'Aurore. La seconde, qui ne fut pas appliquée, concernait Pierre Brosolette. Le parti considérait qu'il n'avait pas toujours, à Londres, fait son devoir de socialiste : il avait constamment pris le parti "des mouvements contre les Partis reconstitués, dont le P.S. On décida, alors, de l'exclure du Parti, mais il fut pris peu après par la Gestapo. La décision, par suite, n'est jamais devenue officielle – Et elle est restée ignorée de la presque totalité des membres du Parti.

En Mai 1944, Defferre repart définitivement en zone Sud; il est le 1er Juin à Marseille, et y reste jusqu'à la Libération.
Témoignage du Docteur Jacques-Henri Poupault
Recueilli par Mme Granet, le 22 Octobre 1947

En 1939, le Dr Poupault fut mobilisé comme chef de l'équipe chirurgicale à l'ambulance chirurgicale légère 224 à Gueux près de Reims, fut envoyé en ligne à Spaincourt, près de Longwy (l'ambulance faisait partie de la VIIéme armée). La VIIéme armée combattit à partir du 10 Mai, remonta sur le canal de l'ailette près de Noyon puis, à partir du 8 Juin, opéra sa retraite sur la Haute Vienne (Sieux) où l'armistice l'arrêta. Le Dr Poupault fut démobilisé le 25 Juillet 1940.

Dès avant sa démobilisation, le 20 Juillet, il etait allé à Toulouse dans l'intention de gagner Sète d'où il espérait pouvoir partir pour l'Angleterre. Un de ses amis, le Dr Lacoste, chirurgien à Tulle et chef d'une autre équipe chirurgicale, le rejoignit, lui montra le mauvais cas où il se mettait, en partant avant d'être régulièrement démobilisé et le fit renoncer à son projet. Une fois démobilisé, le Dr Poupault partit pour Ascain où il espérait retrouver sa famille. Son père, chirurgien à l'hôpital de Dieppe s'est, en effet réfugié dans le pays basque. Le Dr Poupault avait décidé de partir par l'Espagne. Son père le décide à retourner à Dieppe reprendre son poste à l'hôpital. Il laisse donc sa famille à Hendaye et arrive à Dieppe le 3 Août. La ville etait très dépeuplée, les Allemands y etaient nombreux. Poupault va voir le maire (Levasseur) et lui demande qui occupe l'hôpital. Ce sont les Allemands. Le maire croit qu'il est impossible de les en faire partir. Poupault va voir le chirurgien Allemand. Celui-ci (qui parle très mal français) le reçois très bien, lui tend la main. Poupault garde sa main derrière son dos. Furieux le chirurgien allemand le fait arrêter et emmener à la Kommandantur. Il y trouve le Sündenfuehrer de Dieppe, Robert Walraf qui, parle admirablement le français est un homme fort distingué, homme du monde, qui déclare tout de suite qu'il arrangera l'affaire avec le médecin allemand et fait relâcher Poupault après 4heures d'arrestation (4 Août). Walraf apprend à Poupault que sa femme a été championne du monde de golf qu'elle a joué à Dieppe, et justement avec le Dr Poupault : ce qui accroît les bonnes relations entre Walraf et Poupault. Poupault en profite pour lui demander la direction de l'hôpital pour les Français. Quelques jours après, Walraf annonce à Poupault que l'armée allemande garde l'hôpital mais qu'elle consent à ce que Poupault y prenne le matériel chirurgical dont il a besoin et organise un hôpital civil pour les Français. Poupault organise donc dans une école neuve un hôpital pour les malades Français. Le père de Poupault rentre à Dieppe fin Août et peut rouvrir sa clinique personnelle (elle n'a pas été pillée).

Dès ce moment, Poupault put rendre quelque services aux Français. En effet, près de la cliniques trouvait un camp de 3.000 prisonniers en instance de départ pour l'Allemagne, ils etaient très mal nourris. Poupault put les ravitailler en pain(300kg par jour), légumes, viande. Un prisonnier réussit à s'évader de nuit, trouver Poupault qui lui fournit des vêtements civils (Septembre 1940). Les Allemands à ce moment, devinrent de plus en plus méfiants, car pas mal d'évasions se produisirent : ils contrôlaient surtout les souliers, car si on procurait des vêtements civils aux évadés, ils gardaient le plus souvent leurs souliers militaires. Ils exigeaient des feuilles de démobilisation. Il fallait donc s'en procurer. Comme Poupault avait à cause de son métier, une voiture et de l'essence, il vint à Paris en Novembre 1940 et cherche un moyen d'en obtenir. Grâce à un camarade ancien chauffeur (Dutertre), il fut mis en rapport avec des gens qui s'occupaient d'aide aux prisonniers (gérant du restaurant "La Reine Blanche", Bld St Germain) qui l'emmenèrent dans un débit de tabac de la place Saint Sulpice (coin rue du Vieux Colombier). Au premier étage, on lui, présente, Charles Domergue (ancien employé à la mairie du VIe arrondissement, plus tard décapité à Cologne) qui lui donna un gros paquet de feuilles de démobilisation. Ce groupe parut à Poupault très actif mais très imprudent.

Le Dr Poupault s'occupa donc de faciliter les évasions de prisonniers jusqu'en Avril 1941. A ce moment, ,il reçut la visite d'un instituteur de Villers, Blanchard qui avait été obligé de se cacher à la suite d'une histoire qui lui a valu d'être recherché par les Allemands : un agent de l'I.S. avait abattu un policier de Vichy qui voulait l'arrêter. Il s'etait réfugié chez Blanchard puis avait réussi à se sauver. Mais Blanchard inquiété à son tour, avait du quitter son domicile et avait rejoint un groupe de résistance : l'armée des volontaires (l'A.V. de Mairesse). Il s'occupait donc, depuis de chercher des renseignements. Il propose à Poupault de rechercher tous les renseignements militaires utiles dans la région de Dieppe , Poupault accepte. Tous les 10 ou 12 jours, il vient à Paris, en auto ou en chemin de fer, il apporte à Domergue tous les renseignements qu'il peut obtenir sur l'activité allemande sur la côte : mouvements des bateaux dans le port surtout. À cette époque, les Allemands ne construisaient pas encore et se servaient pour la défense de la côte, de canons anti-aériens tractés qu'ils déplaçaient continuellement. Domergue envoyait ensuite les renseignements en zone libre où ils etaient transmis à Londres par l'intermédiaire du consul Américain de Lyon. Le Dr Poupault alla lui-même les porter à Lyon en Février 41.

Tout en s'occupant de ce S.R., le Dr Poupault continuait son métier de chirurgien et, à Dieppe, etait resté en excellent rapport avec Walraf. Ils s'appelaient parleur prénoms. Ce Walraf n'etait nazi que par intérêt; il avait appartenu à la Hambourg - American Line, il etait au fond, assez international, très homme d'affaires (il est actuellement au service des alliés en Allemagne). Il rendit plusieurs services à Poupault. Celui-ci avait une amie d'enfance dont le mari etait prisonnier et qui se désolait de son absence. Poupault l'emmena voir Walraf qui fit rentrer le mari (mais en devenant l'amant de la jeune femme, fort jolie, qui depuis a divorcé et épousé Walraf !).

À partir de Mai 1941, à plusieurs reprises, Walraf avertit Poupault que cela allait mal pour lui à Dieppe, que la Kommandantur le surveillait et lui conseilla de s'en aller. En Juin, il y eut beaucoup d'arrestations à Dieppe. Poupault suivit le conseil de Walraf et le 30 Juin 1941, Poupault partit de Dieppe pour Rouen (en emmenant pas mal d'argent), et, de Rouen, rejoignit Paris. Il alla aussitôt trouver Domergue, habita chez un ami et chercha à partir pour l'Angleterre. Domergue lui dit qu'il y aura prochainement des opérations aériennes et qu'il pourra s'en aller. Poupault attend jusqu'au 15 Août, mais n'entend parler de rien(il a su plus tard qu'il n'y avait eu aucune opération aérienne à cette époque là). Domergue rencontre aussi Max de Belleville qui prétendait faire la liaison France – Angleterre (c'etait faux) et qui organisa (on fit semblant) le départ de Poupault pour l'Espagne avec 10 compagnons, en deux groupes. Ce départ eut lieu le 17 Août (train pour Tours, puis passage près de la ligne, puis train de Loches à Pau). Dans le groupe de Poupault se trouvaient Blanchard (l'instituteur), Cartier et Bignotti, aviateur, Allegret et un anglais nommé Vicca. Ils passèrent la lignée démarcation près la Haye-Descartes, conduit par un vétérinaire, Goupil. A Pau, l'adresse donnée par Belleville (FUA, 13 Bld des Pyrénées) s'avéra fausse, car le Bld des Pyrénées n'a que des numéros pairs … Ils errèrent à Pau avec peu d'argent, pas de "contacts". Sept des voyageurs repartirent Blanchard, Cartier, Bignotti et Poupault persévérèrent : ils n'avaient aucun désir de rentrer à Paris. Blanchard qui etait socialiste et syndicaliste réussit à nouer des relations avec des cheminots socialistes et communistes qui furent très chic et offrirent de les faire passer en Espagne (début Septembre). Un cheminot prit trois d'entre eux sur sa machine (il devait prendre le 4ème le lendemain) jusqu'à Canfranc, gare internationale, ils vont attendre au dépôt des machines, puis le cheminot les fait sortir en territoire espagnol. Ils ne savent pas l'Espagnol. À quelques kilomètres de Canfranc, ils se font prendre, sont ramenés à Canfranc, mis en prison, puis ramenés en France trois jours après et livrés aux gendarmes français à Urdos. Ils subissent un interrogatoire. Poupault raconte qu'il a tout perdu et veut aller s'établir en Amérique du Sud. Le gendarme lui dit que son histoire n'est pas habile et lui fait faire un déposition où il raconte qu'il se promenait avec ses camarades dans les Pyrénées, s'est trompé de chemin et est allé en Espagne. Les deux autres font la même déposition toujours sur le conseil du gendarme qui a eu des quantités de cas de ce genre. Il leur indique un avocat de Pau qui saura les défendre (Me Poyanne). Les gendarmes qui les conduisent à Pau sont également très gentils, leur disent qu'ils peuvent s'évader s'ils veulent (bien que pour cette évasion ils seront durement punis), mais qu'il vaut mieux pour eux d'aller en prison et être jugés, ils seront condamnés à peu de chose. A Pau, on les emmène au Palais de Justice, on leur demande s'ils veulent être jugés tout de suite (il est 8 heures du matin). Ils passent devant le juge d'instruction, puis à 10 h devant le tribunal correctionnel où Poyanne, qui est justement au Palais, plaide pour eux (remarquablement) et les fait acquitter. Le Président souriait. À midi trente, ils sont libres. Le lendemain matin à 6 heures, la police spéciale de Pau les arrête. Poupault proteste, ils ont été acquittés. Mais il s'agit d'autre chose, on les accuse d'être en rapport avec Daladier et Raynaud, de vouloir les faire évader. L'interrogatoire dure 12 heures et est odieux. Le commissaire spécial, bien qu'il ait connu le père de Poupault reste vil et partial. On le met en résidence surveillée. Poupault indique comme domicile l'adresse de son ami le Dr Lacoste de Tulle (Blanchard indique Uzès). Poupault va donc à Tulle, fait une visite au capitaine de gendarmerie qui lui dit de faire ce qu'il voudra et qui indique qu'il est toujours en résidence à Tulle.

À Tulle, chez le Dr Lacoste, Poupault a des nouvelles de son ami Lucien Gallimand (député radical de Dieppe), seul prévenu du départ de Poupault de Dieppe et qui, lui aussi, désire partir en Angleterre. Gallimand averti Poupault qu'il est à Nice, ils prennent rendez-vous à Marseille où Gallimand a des contacts et où il espère pouvoir s'embarquer (Janvier 1942). Gallimand est, en particulier en rapport avec Eugène Thomas (actuellement ministre des P.T.T.) qui pense pouvoir organiser leur départ. En attendant ils recueillent des renseignements sur Marseille et les environs : ils donnent leurs renseignements à un inspecteur de police chargé officiellement de la détection des postes émetteurs clandestins et qui les renseigne, de son coté sur les voitures gonio Allemandes de la région.

Thomas dit à Poupault qu'on organise en ce moment un S.R. (colonel Fourcaud), le "réseau Froment". Le colonel est arrêté. Son frère Boris Fourcaud lui succède avec comme adjoint André Boyer qui fut l'âme du réseau. Il veut étendre ce réseau à la zone occupée et il offre à Poupault d'aller l'organiser, car les premières bases en ont été jetés par quelqu'un qui vient d'être arrêté. Il faut donc tout reprendre, Poupault accepte, reste quinze jours à Marseille où, il s'initie à la technique des S.R. et apprend le code (Avril 42). A Paris, pendant six mois il a un travail très dur, il doit créer le réseau "Brutus" avec des éléments entièrement nouveaux, voir beaucoup de gens, organise des groupes.

Les principaux furent :
- Un groupe de zone frontière Nord, autour de Lille, avec Icard, inspecteur de police qui lui avait été indiqué à Marseille. Il organise très bien son groupe, a beaucoup de renseignements sur les fortifications entre la Somme et la frontière Belge.
- -Un autre groupe double dans le Nord, ce premier groupe, est dirigé par Bossemans de Libé-Nord (qui fut, plus tard, adjoint au maire de Lille).
- Un troisième groupe eut pour centre Dieppe (Dr Magnier). Il donnait des renseignements sur la région allant du Havre à la Somme.
- Un quatrième groupe s'occupait de la Normandie centrale. Il avait pour chef Forcinal (depuis député UDSR de Gisors).
- Enfin un cinquième groupe dans la région Manche-Calvados-Bretagne et qui était dirigé par un professeur du collège de Granville, Marland.

En outre à Paris, près de Poupault, un petit E.M. donnait des renseignements sur la région Parisienne. Il était composé du Dr Profichet de Montreuil, de Max Peres, directeur de L.M.T. (Lignes et Matériel Téléphoniques) qui travaillait pour les Allemands, ce qui permettait d'avoir beaucoup d'indications utiles, ainsi que le Dr Dickmann. Le Dr Poupault avait comme secrétaire, Mme Regnault. Il avait aussi deux agents de liaison : Geneviève Rosanis et Germaine Saffroy (qui alla souvent en zone Sud).

Au bout de six mois, tout fonctionnait très bien. Les bureaux changèrent plusieurs fois d'adresse. Poupault etait obligé par prudence d'avoir plusieurs appartements et de changer de domicile. Les principales adresses furent 46 rue d'Artois et rue de Berry. Il avait un énorme courrier qu'il lui fallait dépouiller et trier, puis il fallait faire les rapports, les coder, etc. tout cela en tenant compte des directives de Londres , des questionnaires de Londres (dossiers classés selon le genre de renseignements militaires, politiques, etc. selon le degré de certitude, selon la provenance : première main, seconde main, etc. Le rôle de Poupault est, en somme, celui d'un chef de bureau très occupé. La partie la plus gênante de son travail etait la difficulté des transmissions. Le Dr Poupault réclama souvent des appareils de radio qui etaient encore très rares à cette époque (fin 42), on lui en promit, mais ils n'arrivèrent jamais. Le courrier partait en zone Sud pour Marseille, par des agents de liaison qui s'en allaient deux fois par semaine. Tout cela etait assez long et incommode.

Janvier 1943 fut une période très active pour le réseau. Boris Fourcaud et André Boyer partirent à Londres. Boyer revint peu après rapportant des consignes nouvelles et annonçant la venue d'un "grand patron" qui devait mettre en place une organisation bien coordonnée. En Février 43, Devawrin (Passy) arrive. Poupault et Boyer le voient. On décide la création en zone Sud d'un groupe autonome d'opérations et de transmissions, la "centrale transmission et opération Nord" dont le premier chef a été Du Boys. A partir de ce moment, Poupault fut attaché à cette centrale. Son réseau devint le réseau "Legio". La centrale émettait pour beaucoup de réseaux de résistance (Turma, Clethère, Vengeance, Ajax, etc.). Les transmissions marchèrent très bien. Poupault a un réseau très étendu, beaucoup de travail, il reçoit beaucoup de documents. La cadence des émissions est considérable. Par fidélité pour le réseau Brutus et amitié pour Boyer, Poupault a décidé que les courriers zone Sud et Nord se doubleraient : les courriers partent dans les deux sens chaque semaine et en double exemplaire, chacun des réseaux profite des renseignements de l'autre.

Le 28 février 1943, alerte : un ami de Poupault qui lui rend de grands services est arrêté, c'est le Dr Arbeit, 48 rue P. Charron. Filetait un peu imprudent, manifestant violemment ses sentiments anti-Allemands. Le Dr Poupault change son P.C., son dispositif, etc. Le calme revient, Poupault a confiance en Arbeit et pense qu'il ne parlera pas.

Arrestations :
Le 10 Mai 1943, le Dr Poupault venait de chez un ami, le Dr Luquet (qui avait un petit réseau personnel) et allait à bicyclette à son bureau, lorsqu'au coin des rues Dombasle et Olivier de Serres (XV°), il est entouré par 15 policiers, arrêté, mis dans une auto Citroën avec menottes et lunettes noires, il est conduit villa Montmorency. Son interrogatoire dura 27 heures (tortures, ongles arrachés, figure en sang, enflée, etc.). Au cours de l'interrogatoire, il apprend que Mme Regnault, Icard, Perez, Forcinal, Du Boys, Yves Grives (agent de liaison) viennent d'être arrêtés. On veut savoir le nom de ses collaborateurs, le nombre et l'emplacement de ses postes, etc.). Il tient le coup, ne dit rien (personne d'autre de son groupe n'a été arrêté). La Gestapo lui montre un courrier complet qui a été envoyé de Paris à Marseille, le 31 Décembre 1942. La Gestapo sait sur Poupault des détails très intimes. Poupault se demande qui a trahi.
Plus tard, après la Libération, le Dr Poupault a appris qu'il avait été recherché par la Gestapo pour trois raisons différentes :

1° D ans le groupe Forcinal, un agent de la gestapo s'etait glissé et avait dénoncé Forcinal et Poupault.

2° Un nommé Cosinus (Carré) ouvrier de Gnome et Rhône et qui donnait des renseignements sur l'usine avait été mis en rapport avec Poupault (sur recommandation de la zone Sud); cet homme, après une première arrestation était devenu un agent de la Gestapo et dénoncé Poupault et ses collaborateurs (Icard, etc.)

3° En Février 1942, le Dr Arbeit avait reçu la visite d'un lieutenant-colonel aviateur qui avait un réseau en zone Sud, etait coupé de Londres, à la suite d'arrestations de son radio et demandait à être rattaché à un autre réseau. Rendez-vous eut lieu chez Arbeit entre cet homme et Poupault qui le trouve exalté, bizarre, dangereux et le laisse tomber. Cet homme repartit à Nice, se fit arrêter, raconta son voyage à Paris et donna des indications sur Poupault et Arbeit fut alors arrêté.

Enfin, et le Dr Poupault considère que ce fut la cause essentielle de son arrestation, il fut sûrement dénoncé par son agent de liaison Germaine Saffroy. Les Allemands savaient sur elle bien des choses personnelles qu'elle seule connaissait, et en particulier son prochain départ pour Londres, et elle avait autrefois travaillé pour le 2ème bureau Français. Il ne sait pas quand et dans quelles mesures elle a travaillé pour la Gestapo. Ila, cependant la certitude morale de sa culpabilité. Elle a été arrêté deux fois après la Libération. Elle s'est bien défendue et a été libérée. Elle est partie à Tanger.

Fresnes :
Le Dr Poupault fut emmené à Fresnes, puis il subit un interrogatoire rue sdes Saussaies par le S.D. Elvin Steudel qui lui dit qu'il ne sera pas torturé, mais qu'il lui faut parler. Poupault comprit et écrivit 80 pages d'aventures si compliquées qu'il était impossible de s'y reconnaître. On le laissa tranquille. Il eut la chance de pouvoir établir une liaison avec l'extérieur. Il était seul au secret dans une cellule. Un jour, Bernard, l'infirmier Allemand de Fresnes vint lui dire : Chirurgien ? oui – nom ? – Poupault – . Il ressort, revient avec une lettre écrite au crayon, écriture de femme que Poupault ne reconnaît pas sur l'instant. "Demain, réponse" ajoute Bernard. La lettre contenait seulement deux mots "donne nouvelles". Le lendemain, Bernard apporte papier et crayon et Poupault écrit une lettre à sa mère, vague et banale. Quinze jours après, Poupault se blesse exprès au doigt, demande l'infirmier qui arrive. Poupault lui offre de l'argent (il avait caché 15.000 frs dans la ceinture de son pantalon) et Bernard accepte de servir de facteur. Poupault écrit une lettre à sa fiancée (qui est au courant de son activité sans en connaître le détail). Deux jours après arrive la réponse banale aussi. La correspondance s'établit aussi, deux fois par semaine. Poupault peut écrire assez librement, lui parle de Steudel qu'elle peut joindre grâce à de l'argent donné en plusieurs fois (200.000 frs) en tout, Steudel promit que Poupault serait seulement déporté et il conduisit favorablement les interrogatoires. Le Dr Poupault sut, plus tard comment Bernard lui avait apporté la première lettre. Une de ses cousines connaissait la femme du général Rollet (de la légion). Le général avait une ordonnance qui l'avait mis en relation avec un restaurateur lui-même en relation avec l'infirmier Bernard, par l'intermédiaire de la petite amie Française de celui-ci.

Bernard fut utile à Poupault et au réseau parce qu'il peut dire à sa fiancée de prévenir Profichet que Cosinus (Carre) avait trahi. Profichet le fit exécuter à la mitraillette, chez lui en Janvier 1944.

En Décembre 1943, Boyer fut aussi arrêté et envoyé à Fresnes. Ils furent confronté devant Steudel, après avoir fait ensemble le trajet de Fresnes à la rue des Saussaies. Ils purent s'entendre et la confrontation se passa bien. Aussi, Steudel put conclure qu'il comprenait très bien alors l'histoire du réseau. En Décembre Bernard conduisant Poupault à l'infirmerie de Fresnes lui permit de voir sa fiancée quelques instants.
Le 12 Janvier, Bernard apporta à Poupault un mot de Renée, sa fiancée qui lui disait que Steudel lui avait annoncé que Poupault irait à Romainville où il serait "très bien". En réalité, Poupault sortit bien de Fresnes le 13 Janvier, mais pour aller à Compiègne (trois jours), puis à Buchenwald (19 Janvier).

Buchenwald :
Trois semaines après son arrivée on fit remplir des fiches aux déportés. Sur la sienne Poupault indiqua médecin-chirurgien, ignorant qu'en Allemagne ce sont deux diplômes différents. Les Allemands eurent pour lui une considération particulière et le désignèrent comme chirurgien adjoint de Buchenwald, sous les ordres des médecins Allemands et d'un médecin Tchèque déporté.

IL eut quelques démêles avec les communistes Allemands et Français qui dirigeaient le camp et il fut envoyé comme chirurgien chef à Dora. Il est amené devant un médecin SS, jeune, 28 ans, très beau garçon qui l'interroge en le tutoyant. Poupault avait appris facilement l'Allemand en Allemagne et le parlait bien. Il ne répond pas. Le médecin SS s'en étonne. Poupault répond qu'il ne comprend que lorsqu'on lui dit "vous". Le SS accepte la leçon, lui dit "vous" et ne l'a jamais ennuyé.

Le Dr Poupault trouva le moral des déportés de Dora lamentable. C'etait la jungle. Aucun esprit de solidarité, la lutte pour la vie, les déportés mouraient de faim. Poupault et quelques déportés de grande valeur morale (comme Bordier-Brunswick, Petit, Ebel, professeur à la faculté de pharmacie de Strasbourg, le Dr Morel, Croizat, Jean Michel) essaient de remettre de l'ordre et de remonter le moral des hommes, de leur redonner le sens de la dignité et de la fraternité. Ils entrent en rapport avec les communistes Allemands du camp pour obtenir quelques avantages, pour les Français quelques places dans les camps, par exemple la place à "l'Arbeitstatistique". Où fut placé le frère Alfred Birin qui put envoyer les Français dans les meilleurs commandos.

Puis le Dr Poupault put obtenir un poste de T.S.F. et donner des nouvelles ce qui aida à remonter le moral et à établir une espèce d'esprit de résistance. Ce fut un SS, Lorenz qui apporta au Dr Poupault son propre poste de T.S.F. Il se rendait compte de la défaite Allemande, avait peur des Russes et se ménageait la protection des Français. C'est ainsi que Poupault put prendre les émissions de la B.B.C. et apprendre le débarquement, la campagne de France, etc. Il avait caché le poste dans la salle d'opération (Lorenz reprit son poste quand Poupault fut arrêté).

En Juin, Boyer arriva à Dora. Quoiqu'il eut été avocat, Poupault put le garder près de lui comme infirmier. Il renforça le petit groupe Français agissant à Dora.

Au tunnel, ou l'on fabriquait les V1 et les V2, quelque Français organisèrent une espèce de mouvement de résistance, quelques évasions, un peu de sabotage. Le sabotage réel etait très difficile, car le travail était tres étroitement contrôlé et le moindre sabotage etait puni de mort. Mais on pouvait quand les SS tournait la tête et relâchait leur surveillance, interrompre et ralentir le travail.

Le petit groupe résistant du tunnel accueillit malheureusement un déporté d'origine Lorraine, Naegele qui etait en réalité un criminel. Il avait été au service de la Gestapo à l'hôtel Lutétia, avait volé huit millions de la caisse, avait été arrêté et déporté. Il fit arrêter le 3 – 4 Novembre 1944 à Dora tout le groupe de résistant, c'est à dire 17 français, 20 Russes, des Tchèques, des Allemands, etc. Les arrêtés furent interrogés, torturés pour obtenir des noms de complices, de saboteurs, etc.

Les Français furent envoyés en prison à Nordhausen, ou dit le Dr Poupault ils menèrent une vie idyllique pendant 5 mois. Des Français, 7 principalement, furent privilégiés (dont Boyer et Bordier, à cause de la protection de Pelfrede (ou Grotzoff) juif russe du Caucase, émigré en France en 1919 et qui sauva la vie à beaucoup de Français (il fut acquitté en conseil à Rastadt le 109 Juillet 1947).

Poupault et ses amis etaient dans des cellules non fermées. Poupault etait le médecin non seulement de la prison mais de la ville (qui n'avait pas de médecin). Le 15 Mars 1945, dix français repartirent à Dora en prison où ils furent très malheureux. Tous les Russes et Tchèques arrêtés furent pendus. Aucun Français ne le fut grâce à Grotzoff qui affirma que les Français etaient anti-communistes et qu'il fallait les ménager.

Le 3 Avril au soir, les Américains bombardèrent Nordhausen, démolirent en grande partie la prison, sauf les murs. Les gardiens partirent en emmenant les détenus sauf les Français qui restent seuls. Le lendemain matin à 8 heures, nouvelle attaque de l'aviation Américaine : ville et prison sont rasées. Boyer est tué, Poupault lui-même est blessé dans le dos, ainsi que deux autres Français. Bordier, Denay et Poupault qui sont en costume de détenus cherchent dans les ruines des vêtements civils afin d'aller à la rencontre de l'armée Américaine. Ils se dirigent ensuite vers le Sud Ouest, marchent pendant 5 jours (font 120 kms) couchent dehors (il fait frais) puis un soir demandent asile à un fermier allemand qui les abrite dans une écurie, leur donne à manger, les réveille le lendemain matin en leur indiquant la direction à suivre pour trouver les Américains (ils s'etaient donnés pour des ouvriers Français allant chercher du travail à Cassel – mais le fermier Allemand avait deviné la vérité). Ils repartent, trouvent les Américains le 8 Avril et sont à Paris le 11.

Interrogés sur les Russes de Dora, le Dr Poupault dit qu'il y avait surtout des condamnés de droit commun, des gens qui avaient déjà été dans des camps de concentration Russes, surtout Ukrainien. Un médecin russe évadé etait à peu près le seul sympathique.
Le Dr Poupault indique que le livre de David Rousset ("Les jours de notre mort") est assez véridique et donne bien l'atmosphère du camp. Lui-même y est peint sous le nom de "Paul", David Rousset n'a pas été pour lui spécialement bien,veillant dit-il, bien qu'ils soient en bon termes.

Les pseudos du Dr Poupault ont été : "Parys" et à Londres "Anatole Lyons".
Témoignage de Jean-Maurice Hermann (Pseudo "Herlin")
Rédacteur au journal "Libération", 6 Bld. Poissonnière
Recueillis par Mme Granet, le 28 Février 1949

Journaliste avant la guerre de 1914 au "Populaire", J-M Hermann fut mobilisé au 155éme régiment d'Infanterie, blessé gravement le 13 Juin 1940 dans la "charnière", fait prisonnier et libéré à l'automne de 1940 comme blessé grave.

Le train qui l'emmena, après sa blessure, vers l'hôpital, mit 12 jours à arriver à Bourbonne-les-bains : il etait en plein dans les lignes de feu, les gares etaient bombardées, les voies interrompues … Les employés de chemin de fer transportaient dans le train les rails et les boulons et rétablissaient les voies pour que le train de blessés pût passer. On entendait des combats de tous côtés, les avions passaient continuellement, le train devait être mis à l'écart des bombardements, etc. C'est dans ce train que J-M Herrmann entendit parler de la fin des désastres et de l'armistice demandé par Pétain et aussi de la position du général de Gaulle. Il sut ainsi qu'à Londres, de Gaulle entouré d'un certain nombre de Français continuaient la lutte.

Il se souvint de l'impression violente qu'il ressentit à la vue du premier uniforme Allemand qu'il aperçut : c'était près de Bourbonne-les-bains, un gros officier Allemand, qui avait l'air assez gêné lui aussi…

L'hôpital où on le soigna était un hôpital mixte où étaient soignés les Français et les Allemands et à personnel surtout Français. Le moral de l'hôpital etait bon. Tout le monde etait anti-Allemand, sauf un lieutenant-colonel, le maréchal de Luciane, qui avait un élevage de chevaux de courses et semblait fait pour être caricaturé par le "Canard enchaîné" ! A l'hôpital, il y avait dans le grenier un poste de radio (au médecin major, Cdt Pal) qui donnait des nouvelles. Les Allemands permirent d'abord l'affichage d'un bulletin d'information, puis l'interdirent après l'échec de la bataille aérienne au-dessus de Londres. Mais les nouvelles furent alors transmises verbalement, et, en particulier, celles de la B.B.C. C'est ainsi que les blessés furent au courant de ce qui se passait, des incidents de Dakar, etc. Quelques évasions se produisirent, facilités par l'attitude de la population Lorraine, très patriote. En outre, des faux papiers furent fabriqués, qui aidèrent les blessés guéris à rentrer chez eux. J-M Hermann lui-même fût libéré à l'automne et put aider quelques camarades à s'évader. Lui-même avait conservé précieusement, en vue d'une évasion, une boîte de pâté et une fiole de cognac. Il n'eut pas besoin de s'en servir, car sa blessure grave lui permit d'être réformé, et par conséquent, d'obtenir un ausweis pour aller rejoindre sa famille en Dordogne. Il a, depuis qu'il connaît la formation du comité Français de Londres, l'idée de rejoindre de Gaulle en Angleterre. Un industriel, qu'il avait connu à l'hôpital, Rosmangin et qui s'etait évadé, le met alors en relation avec le frère de son associé Doornick qui s'occupe de résistance. J-M Hermann est décidé à travailler avec lui dès qu'il sera guéri. Il est réformé le 5 Février 1941 et guéri à cette époque. Il prévient alors Grosmarin, mais Doornick vient d'être arrêté (il travaillait avec d'Estienne d'Orves) et fut fusillé peu de temps après.

"France Combattante" et premières arrestations :
J-M Hermann va alors à Marseille où il y a une filière ; il fait des démarches de divers côtés : il voit Fraye qui s'occupe d'un "comité d'aide aux réfugies politiques", et pense à partir pour l'Egypte, la Syrie, etc. Il voit aussi le consul clandestin de Tchécoslovaquie qui fait passer une lettre à Londres, mais il perd le contact.

Enfin il rencontre Pierre Vienot qui habite Cannes et qui est en rapport avec la France Combattante. Il entre ainsi en rapport avec Pierre Berteau et accepte de l'aider à monter à Toulouse une organisation de la France Combattante, avec Cassou, Marcel Vanhove, Nitti, Bernard (qui etait socialiste et avait été aux Brigades Internationales en Espagne). En été 1941, le groupe reçut un parachutage (matériel de sabotage, explosifs), près de Toulouse. En Décembre, des parachutistes, des radios. Ils pensent à installer une succursale à Agen. Un jeune radio imprudent est pris, parle et réussit d'ailleurs à s'évader ! Mais Bernard est arrêté lui aussi. Et ce garçon, qui s'était si bien conduit en Espagne, ne sut pas se taire et raconte tout ce qu'il savait. Il s'en est suivi un nombre énorme d'arrestations : Cassou, Berteau, Hermann, etc. et la dislocation du groupe … Ils avaient été arrêtés par la police de surveillance du territoire. Ils se rendirent compte, lors des interrogatoires, que la police ne savait pas grand-chose de précis. Le commissaire de police fut même très aimable et ils avaient bon espoir. Malheureusement de Vichy, arrivèrent des ordres formels : ils devaient rester en prison.

Alors, le préfet régional de Toulouse, Cheyneau de Leiritz prit, en vertu de ses pouvoirs, un arrêté de "mise en résidence forcée" à la prison militaire de Toulouse. Cassou, Vanhove sont mis en liberté provisoire. On la refuse à Hermann malgré ses blessures, sa citation, ses trois enfants. On le laisse dans le vieux donjon de la prison militaire, un donjon moyenâgeux, avec des murs si épais qu'on n'y voyait guère, des voûtes, des portes cloutées, etc. un vrai donjon de cinéma, qui n'avait pas l'air vrai, mais où Hermann était très mal, et aussi très mal nourri. Darlan accorde aux prisonniers le statut politique (droit de recevoir des livres, des colis, des lettres), mais Laval supprime tout cela et il est remis au secret. Il pense alors à s'évader, soit pendant les promenades, soit en perçant le plafond de sa tour en gagnant les toits. Grâce à l'aumônier, il reçut des outils et commença le travail. En même temps, les prisonniers reçurent en pièces détachés un poste de TSF. Puis ils apprennent que leur procès va être jugé en Juillet 42. Ils décident donc de ne pas s'évader, ce qui aurait sûrement pour contrecoup l'arrestation de deux de leurs camarades qui sont en liberté provisoire, et compromettre leur chance au procès s'ils ne réussissent pas. Et, en plus, au cas où ils seraient repris, ils savent qu'un nouveau jugement leur serait encore plus défavorable, car les lois de répression sont de plus en plus dures. Le tribunal militaire, après deux jours de débats, acquitte Hermann à cause de ses services de guerre, blessures, etc. Ses camarades ont des peines de prison (Cassou, Berteau, etc.). Bernard, qui s'est rétracté, car il a compris l'étendu de sa faute, est condamné aux travaux forcés. Le préfet de la Haute-Garonne met Hermann en résidence forcée. IL alla cependant voir sa femme qui était fort malade, en Dordogne. Quelques jours après, il apprend qu'on le recherche à Toulouse, que sa mise en résidence forcée est transformée en internement administratif.

Il ne tient pas à aller dans un camp et quitte son domicile à temps. Lorsque les gendarmes arrivent, ils ne le trouve pas.
Réseau BRUTUS : Il retourne alors à Marseille, cherche à reprendre le contact avec Londres et à partir en Angleterre. Mais il n'y arrive pas. Il remonte à Lyon au début de l'hiver 1942-43 et y reste toute l'année 1943. Il travaille alors avec Georges Bidault au "Bulletin de la France Combattante", travail qui lui plait beaucoup, puisqu'il est journaliste. Et il s'émerveille que ce bulletin ait pu sortir si régulièrement et donner un texte si abondant. Il collabore aussi au "Populaire" clandestin.

Il rencontre alors Defferre, Boyer et Copeau qui lui demandent de se joindre à eux. Hermann préfère aller dans le réseau "Brutus" plutôt que de s'occuper du journal de Copeau, car il pense alors qu'il convient de combattre aussi militairement qu'on le peut puisqu'on est en guerre. Defferre lui confie la zone Sud. Il établit son P.C. à Lyon et centralise tout le courrier de la zone Sud. Il en assure la réception, le tri, le codage, etc. et la réexpédition à Londres par avion. Le courrier était très abondant, les renseignements étaient très variés (S.N.C.F., Aérodromes, mur de l'Atlantique, troupes et transports de troupes, usines, fabrication de guerre, etc.). Quand Defferre et Boyer partirent en Angleterre, ils lui confièrent la direction nationale du réseau. Quand Boyer revint (pendant que Defferre allait en Algérie) Hermann garde encore la direction du réseau, car Boyer se consacre à l'organisation du mouvement "France au Combat", qui devait permettre au mouvement d'être représenté au C.N.R. Il avait des rapports fréquents avec le réseau Ajax qui était très actif, très efficace, très bien organisé et qui fournissait régulièrement des renseignements sur les arrestations prévues, les rapports de police, etc.…
Arrestation : Il continua ce travail jusqu'au 10 Mai 1943, jour où il fut arrêté par la Gestapo, au cours d'un voyage qu'il faisait à Paris avec Pierre Sudreau.

Il venait en effet régulièrement à Paris toutes les semaines parce qu'il faisait partie d'un comité qui préparait réorganisation de la Presse après la guerre. Il était journaliste et s'était toujours intéressé au journalisme : à Toulouse, il avait écrit dans "Libérez, Fédérez" ; il avait collaboré au "Populaire clandestin", et aussi au journal "l'Espoir", de Defferre, qui était le journal socialiste du Midi. En particulier, au moment des affaires Giraud, il avait fait une campagne violente contre Giraud. Avant la guerre, il était secrétaire général du syndicat de la Presse. Il pensait à la manière dont il faudrait réorganiser la Presse, lui donner un statut. Il avait beaucoup parlé de cela, à Lyon, avec Moulin et Bidault. Il avait même fait, en Janvier 1943, un rapport sur ce sujet qu'il avait donné à Bidault. Une commission pour établir un statut de la Presse fut réunie sous présidence de Tristan (Teitgen) et un projet de loi fut même élaboré. Puis, après une interruption, l'affaire fut reprise en Septembre 1943.

La commission fut transportée à Paris, placée sous les auspices du C.N.R. et présidée par Parodi. Elle se réunissait toutes les semaines et on y faisait du bon travail. A cette commission, participaient, outre Hermann, Bidault, etc. Francisque Gay, Rollin, Guignebert, Grenesse …
On y fit l'inventaire des imprimeries, des stocks de papier, on décida comment se ferait la répartition aux journaux, on prépara leur parution lors de la Libération et aussi le statut de la Presse auquel Hermann tenait beaucoup, mais qui, malheureusement, n'a pas été fait. Hermann reconnaît que ce qui est de la parution des journaux à la Libération, pour la prise de la radio, ainsi que pour l'expropriation des anciens journaux collaborateurs, tout s'est fait très vite et très bien.

Hermann était très heureux de venir chaque semaine à Paris pour s'occuper de ce travail : car c'était pour lui un véritable délassement. Mais c'est au cours d'un de ces séjours à Paris qu'il fut pris. Il devait justement avoir avec Boyer et Sudreau, une réunion avec le C.N.R. pour l'homologation de "France au Combat". Il déjeune avec Boyer et Sudreau. Le rendez-vous avec le C.N.R. était à 4 heures. Il avait sur lui quelques papiers concernant "France au Combat". Comme Sudreau avait un rendez-vous avec un des agents de Brutus, Xavier Angly, Avenue de Wagram, Hermann l'accompagna, parce que Angly avait besoin d'être encouragé. En effet, c'était un Alsacien assez nerveux, qui, au début de l'occupation, avait fait quelques fautes, mais qui s'était efforcé de se racheter par la suite. Il avait fait pour Brutus du très bon travail, en particulier le relevé de toute la côte méditerranéenne, avec les défenses Allemandes. Comme il parlait très bien l'Allemand (il était Alsacien), le réseau l'avait fait entrer dans l'organisation TODT ; il avait le grade de lieutenant et il inspectait les chantiers du "mur de l'Atlantique" pour organiser les loisirs des ouvriers. Sa première mission l'avait mené dans le Nord et il avait pu visiter toute la région des fortifications de Boulogne, Calais, Cap Gris-Nez, etc. Il en avait ramené un relevé très complet de la région, mais il fut arrêté dans sa chambre d'hôtel et pris avec toutes ses notes, et il ne vint naturellement pas au rendez-vous. Mais les Allemands y vinrent : ils suivirent Sudreau toute l'Avenue des Champs Elysées sans oser l'arrêter, de peur d'incidents, sans doute. Avec Sudreau se trouvait un Allemand qui avait prétendu être membre du mouvement "Résistance" qui venait d'être décapité et qui était rentré en rapport avec Sudreau. Mais ils entourèrent le café où était le rendez-vous. Ils étaient 14 Allemands et corses (qui faisaient partie d'une bande corse, plutôt ennemie de celle de Bony) quelques-uns se précipitèrent vers leur table et leur mirent des revolvers sous le nez, tandis qu'un autre avec une mitraillette se tenait sur le trottoir et qu'un autre encore occupait le trottoir en face…. Puis deux voitures noires arrivèrent. On fit monter Hermann et Sudreau, chacun dans une voiture, yeux bandés, menottes aux mains. On les emmena à Boulogne. Là ils furent interrogés et assez maltraités. On laissa Hermann sur un lit-cage, les mains attachés. Il pensait avec regret qu'il avait, peu de temps auparavant accepté, après avoir beaucoup hésité, d'aller à Alger (sur les instances de Bingen qui considérait comme dangereux de le laisser en France, puisqu'il avait déjà été arrêté), comme membre de la Consultative.

Hermann et Sudreau se rendent compte assez vite que le réseau a été vendu par un agent double, Blanc (Cosinus) qui était depuis longtemps dans la résistance, faisait partie de plusieurs réseaux et fit tomber, un mois après, Boyer dans un guet-apens. Sudreau essaya de prévenir les camarades du réseau en réussissant à envoyer par quelqu'un qui sortait de Fresnes, un papier, où, entre autres choses, il écrivait "Cosinus" traître, mais cet avertissement ne fut pas recopié, donc ne fut pas connu de ses camarades. Cependant, au cours de l'hiver 1943-44, Blanc fut abattu en sortant d'un restaurant Avenue du Maine. Il paraîtrait qu'avant de mourir à l'hôpital, il aurait demandé que l'on prévienne un autre réseau qu'il avait aussi dénoncé.

Les Allemands de Boulogne emmenèrent leurs prisonniers Boulevard de Montmorency où ils restèrent huit jours, toujours attachés, gardés par des auxiliaires de la Gestapo. Mais ils ne furent pas maltraités car on avait interdit aux traîtres de chercher à savoir l'identité des prisonniers et la raison de leur arrestation. Aussi pensaient-ils qu'ils étaient des prisonniers de choix. En fait, les Allemands espéraient que Sudreau qui était au Ministère de l'Intérieur pourrait travailler pour eux. Un officier de la Gestapo dit à Sudreau "Je ne vous interroge pas. Je vais vous dire ce que nous savons". Et Sudreau put ainsi se convaincre qu'ils savaient, en effet, beaucoup de choses, mais dans un secteur très déterminé, et que cela venait uniquement de Cosinus. On les emmena ensuite à Fresnes. Ils ne furent jamais jugés. Ils partirent de Fresnes en Avril. Hermann fut envoyé à Neuengamm, mis en commando à Wattenstedt, près de Hanovre. Les Allemands évacuèrent le camp à cause de l'avance Américaine jusqu'à Ravensbruck, que les femmes venaient de quitter devant l'avance Russe ! Hermann parvint à s'évader, fut recueilli par les Russes qui le remirent plus tard aux Américains. Il revint le 25 Mai et fut membre de l'Assemblée Consultative.

Il a été très malade en déportation et a failli mourir.
Boyer envoyé à Dora, mourut au cours d'un bombardement.

Témoignage de Guy Herpin
Agence générale de Tourisme, 27 Quai d'Orsay
Vu par L. Lecorvaisier, le 31 Mai 1946

C'est un homme d'une cinquantaine d'années qui nous reçoit, "bonjour mon cher camarade" ….Nous avions déjà pris contact, nous avions dit que c'était Julitte qui nous envoyait, que nous-même avions quelques attaches résistantes, et que cela avait crée un climat de confiance.
La première fois que nous nous étions rencontrés, il était pressé, bousculé par des rendez-vous, il s'excusait, parlait un peu au hasard, sautant d'un sujet à l'autre.

Aujourd'hui, nous trouvons un homme calme, concentré, qui pèse ses mots, qui les pèsent trop à notre gré parfois, car il ne veut pas dire certaines choses qu'il sait, mais qu'il juge encore trop fraîches pour être révélées.

Assez petit, mais trapu et fort, tout roux de poil et de visage, les cheveux en brosse et hérissés, il donne l'impression d'un homme qui connaît difficilement les nuances et pourtant, lorsqu'il parle des ses expériences de résistant, il mesure chaque mot, fait le silence sur pas mal de choses, c'est un homme qui a fait du S.R. bien avant la guerre déjà, et qui a ses habitudes !….

Vieux journaliste, il était attaché depuis 1929 au "Journal ddes débats" lorsqu'en 1939, peu de temps avant la déclaration de guerre, il est appelé au Ministère de Laguerre comme attaché au contrôle des quotidiens. Il est mobilisé sur place et reste à Paris jusqu'au mois de Juin 1940. Il suit alors le Ministère de l'Information en zone Sud et arrive bientôt à Clermont-Ferrand. Mais il ne désire pas rester à ce Ministère à partir du moment où Vichy en prend la direction : le 13 Juillet 1940 il se fait démobiliser et quitte Clermont-Ferrand le 14 Juillet. Il décide d'autre part de ne point renter à Paris et va rejoindre sa femme qui est chez ses parents dans une petite ville des Basses-Pyrénées. Il s'installe à son tour et "réfléchit". Il envisage tout d'abord un départ pour l'Angleterre. Il est très vite choqué par l'attitude anti-républicaine des gens de Vichy. Cependant il n'est pas encore totalement opposé au régime, car il a l'impression que certaines choses ne sont pas si mauvaises … Il pense en particulier que la création de Légion des Combattants est bonne en soi, c'est pour lui un mouvement qui doit prendre une forme nationale et anti-allemande.

Au mois d'Octobre 1940, il sort de sa retraite et part pour Vichy pour voir ce qui s'y passe. Il revoit d'anciens amis, prend des renseignements, reste encore quelque temps en "observateur", sans jamais reprendre la moindre activité officielle. Très vite, ayant connaissance des choses et des hommes qu'il rencontre au pouvoir, il réalise qu'aucune confiance ne peut être accordée au régime qui s'instaure, qu'aucune collaboration ne peut le lier à ces gens, il a la conviction qu'ils ne résisterons pas à l'Allemand, et que pour lui "le coup avec eux est injouable".

Contact avec les milieux résistants.

En même temps que Herpin se fait une opinion sur l'état d'esprit du Vichy officiel, il prend contact avec des camarades de l'Ambassade des Etat-Unis, avec des embryons de groupes militaires qui pensent à résister, il touche des fractions de bureaux de renseignements qui tentent de se regrouper, il fait connaissance de certains membres de la Légion de Combattants, considérés comme "avancés" parce qu'ils songent déjà à faire un noyau anti-Allemand ou à rejoindre l'Afrique du Nord. Herpin cite alors Loustaneau-Lacaud.

Nous essayons de lui faire préciser ce qu'il sait sur son activité, sur son entourage de cette époque, mais Herpin ne veut rien dire; tout cela est trop frais, déclare-t-il; Loustaneau avait des attaches certaines avec la Cagoule, en particulier avec une "cagoule militaire" nous déclare-t-il, mais celle-ci n'aurait rien à voir, d'après lui avec le C.S.A.R.

Herpin semble savoir pas mal de choses sur l'affaire Pétain-Laval du 13 Décembre 1940, mais à ce sujet il ne veut rien dire non plus.
À cette époque il y avait beaucoup d'agitation. La situation n'était pas claire du tout.
Contacts avec Fourcaud : organisation d'un premier réseau.

C'est en Décembre que Herpin fait la connaissance du Capitaine Fourcaud, récemment arrivé de Londres où il est connu sous le nom du commandant Lucas. Il a pour mission de prendre contact avec les milieux militaires nettement anti-allemands et, en quelque sorte, les milieux "pré-resistants" de Vichy.

Herpin donne tout de suite à Fourcaud sa totale adhésion et lui demande s'il lui sera possible de rejoindre Londres dans le plus bref délai. Herpin, ayant de vieilles relations dans le milieu militaire des Services spéciaux, sert aussitôt de liaison à Fourcaud.

Pendant quelque temps, il fait, avec quelques militaires qui désirent eux-aussi, rejoindre l'Angleterre, des tentatives d'évasion par la frontière espagnole et sur des terrains d'aviation improvisés dans la région de Toulouse. Mais aucune de ces tentatives ne réussit. Fourcaud organise petit à petit le Réseau Lucas, qui a pour mission essentielle de faire du S.R. et de monter une ligne de départ par l'Espagne.

Le renseignement se fait grâce à plusieurs groupes de gens, la plupart déjà spécialistes du S.R. et qui fournissent à Fourcaud les renseignements désirés. Une autre mission du réseau est le regroupement d'officiers et de sous-officiers qui devront servir, le moment venu, de cadres, pour une action résistante. Le passage de la frontière pyrénéenne a été confié à Herpin . le réseau ne s'occupe que de militaires qui désirent rejoindre les F.F.L. Il organise son P.C. à Pau et se sert de la frontière pyrénéenne pour organiser les passages. Sa ligne d'évasion fonctionne jusqu'au mois d'Août 1941, époque à laquelle il est arrêté. Entre temps il avait signé son engagement au F.F.L. au mois de Mars 1941, sa femme signa le sien peu de temps après.

Le même jour que lui, le 24 Août, est arrêté à Marseille le Capitaine Fourcaud.
Herpin est arrêté essentiellement pour son trafic à la frontière espagnole, les autorités françaises ayant eu connaissance du fait qu'il favorisait les évasions.

Il est aussitôt transféré à la prison militaire de Clermont-Ferrand. Il subit des interrogatoires durs pendant quatre jours, est démoralisé un moment, tente de suicider en se tranchant la gorge.? Mais il se remet et fait la connaissance dans la prison de quelques officiers internés pour gaullisme, il retrouve 2 ou 3 agents de S.R. qu'il avait connu antérieurement, et quelques communistes qui sont d'après Herpin arrêtés "davantage parce que communistes que comme résistants". Herpin devait passer devant un tribunal spécial, mais un non-lieu intervient bientôt, le Ministère de la guerre se dessaisit des dossiers, mais il n'est pas pour cela relâché, car c'est alors que le Ministère de l'Intérieur de Pucheu qui se saisit de l'affaire, et il est envoyé avec un mandat d'internement administratif à Fort-Barraux, pour y rejoindre les "marchés noirs" et les souteneurs du camp. L'atmosphère est évidemment fort désagréable. Mais Herpin est libéré le 15 Février 1942, et placé en résidence surveillée dans les Basses-Pyrénées. Au cours de son voyage de retour dans ce département, on le dépose pendant 24 heures à Vichy, et on lui fait alors des propositions aussi alléchantes que possible afin de l'entraîner dans les eaux vichyssoises. Il a la possibilité de prendre la situation de bon choix. On lui propose en particulier, la direction régionale des affaires anti-maçonniques ou anti-juives.
Fourcaud, qui avait déclaré au cours de l'instruction, être officier de L'état-Major du Général De Gaulle n'avait pas été laissé à Fort-Barraux. Il avait été repris par la Sûreté, et Herpin fut écroué dans la plus sordide prison de province avec des d"tenus de droit commun.
Lassé de la prison, Fourcaud a cependant réussi à se faire hospitaliser à l'hôpital de Clermont-Ferrand. Le 15 Février 1942, il réussit à le joindre pendant une heure environ, et prend ses ordres. Ceux-ci sont de préparer dès que possible l'évasion de Fourcaud et de se terrer le plus discrètement possible dans les Basses-Pyrénées, afin de ne plus attirer l'attention des pouvoirs publics. Herpin est prié d'attendre d'autre ordres qui doivent venir, et qui arrivent effectivement, deux mois et demi plus tard par l'intermédiaire du Lieutenant Jean Bouchez, jeune camarade de Herpin qu'il dépeint comme un garçon d'une exceptionnelle valeur, et d'un grand courage, pris peu de temps après sa mission auprès de Herpin il fut emprisonné à Paris, torturé, fusillé (décoré à titre posthume de l'ordre de la Libération). L'ordre qu'il transmettait à Herpin, était de s'approcher de Vichy aussitôt que possible sous un preste journalistique, et de s'installer dans cette ville, au mieux. Herpin reprend donc contact avec son ancien directeur, le Comte Etienne de Naléche, membre de l'Institut, directeur du "Journal de Débats", président du syndicat de la Presse. Les premiers contacts sont assez délicats, mais petit à petit il réussit à gagner à nouveau sa confiance, et est convoqué par lui à Clermont-Ferrand pour reprendre sa place au Journal en qualité de secrétaire général du "Journal des Débats". Herpin prévient la police qu'il va quitter les Basses-Pyrénées. Celle ci d'ailleurs contrôlait d'une façon assez élastique ses allées et venues hors du département. Il part pour Clermont-Ferrand, mais il est à peine arrivé, et a tout juste le temps de prendre contact avec un agent de liaison qu'il est aussitôt arrêté de nouveau et ramené "manu militari" à Pau. C'est un commissaire divisionnaire et un inspecteur de service qui l'accompagnent pour son voyage de retour.

Quelques-unes de ses visites à Vichy, avaient en effet été remarquées par des petits "amis" du Ministère de l'Intérieur, qui, jugeant sa façon d'agir inadmissible, confirment la décision de "résidence forcée dans le département des Basses-Pyrénées. Il écrit au Ministère pour protester, celui ci confirme une fois encore la décision. Il prend alors le parti d'écrire une longue lettre à Laval, et il déclare entre-autre chose :"Si je suis coupable, qu'on m'arrête, sinon qu'on me laisse gagner ma vie normalement". Après intervention du Président du Syndicat de la Presse auprès du Cabinet de Laval, Herpin dut prendre connaissance par voie judiciaire de l'arrêté par lequel "Herpin, Guy, Louis, Auguste, journaliste professionnel était autorisé à vivre bourgeoisement et travailler de son métier dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand accompagné d'un commissaire divisionnaire de son domicile à Pau, jusqu'à la porte du "Journal des Débats" à Clermont-Ferrand. Cet arrêté lui fut notifié à la fin du mois de Juin 1942.

Herpin ne devait sortir sous une escorte semblable que beaucoup plus tard, conduit cette fois par des représentants de la Gestapo, dans l'après-midi du Mercredi 1er Mars 1944.

Reprise d'activité.
Sitôt arrivé à Clermont-Ferrand Herpin prépare l'évasion de Fourcaud, tout est mis au point, et quelques semaines plus tard Fourcaud réussit une "magnifique évasion". Herpin nous en fait d'ailleurs le récit. C'est de l'hôpital où il s'est fait mettre en traitement que Fourcaud réussit à fuir. Il s'évade vers 20h. Vers 23h un avion anglais passe en rase motte sur Clermont-Ferrand, et simule un atterrissage dans la région. A deux heures du matin une émission spéciale de la B.B.C. permet au Capitaine Fourcaud de parler. Au cours d'un bref message il s'excuse auprès des autorités de Vichy de s'être évadé, déclare être heureux d'avoir réussi, et espère faire mieux encore la prochaine fois. Le lendemain c'est la consternation générale dans les milieux policiers de la ville. En réalité, pendant qu'un pseudo Capitaine Fourcaud parle à la radio britannique, le vrai dort comme un loir à proximité de la prison militaire, et il quitte trois jours plus tard Clermont-Ferrand, en toute tranquillité, ne risquant pas d'être inquiété puisque tout le monde le croit déjà à Londres. Il emprunte pour quitter la ville une bicyclette qu'Herpin met à sa disposition après l'avoir camouflé à toutes fins utiles dans la propre "Hispano" du Président du Syndicat de la Presse, qui est elle même logée dans un garage prêté par M. Pierre Laval. Fourcaud gagnera ensuite l'Espagne, Gibraltar et l'Angleterre à bord d'un sous-marin.

Herpin attend alors d'un moment à l'autre son arrestation. A sa grande stupeur rien ne se produit. Il demande à nouveau à rejoindre Londres. Mais les services intéressés concluent que s'il n'a pas été arrêté c'est là un bon, signe et qu'en conséquence il doit rester en place. Il fait préciser cette décision contraire à ses goûts, la jugeant dangereuse. Londres maintient son point de vue, et il s'avère par la suite que la façon de voir de Londres était juste, car Herpin ne fut pas inquiété.
Organisation du réseau "Froment"

Après le départ du Capitaine Fourcaud, c'est le frère de celui-ci Maurice Fourcaud (alias Froment) qui prend la direction de l'affaire. (Après le départ de Froment en Angleterre, le réseau passa sous le commandement d'André Boyer, alias Brutus, d'où le nom de réseau Brutus. Boyer qui avait été contacté au printemps de l'année 1941 dans la région de Marseille devait mourir tragiquement le 5 Avril 1945, lors du bombardement américain de Nordhausen).

Herpin a la responsabilité du réseau Froment pour tout le centre de la France. Ce réseau se spécialise alors dans deux sortes de renseignements. Ceux d'ordre militaire, sur les troupes d'occupation, leur effectif, etc. sur l'Etat-Major de Royat, sur la base aérienne d'Aulnat, sur les ateliers de chargement et la poudrerie de Gravanches. Ceux de nature politique, dont Herpin se charge tout particulièrement. En sa qualité de journaliste Herpin est parvenu à prendre une liaison bi-hebdomadaire avec Vichy, spécialement les jours de conseil des Ministres. Il a ses entrées dans le Ministère, à la présidence du Conseil, et obtient aussi toutes les informations qu'il est chargé de transmettre aussitôt au "Journal des Débats". Or lorsque le système de liaison du réseau fonctionnait bien, il pouvait rendre compte de sa mission faite à Vichy, à Londres, avant d'en aviser son directeur de journal. Si celui-ci n'avait pas le temps de le recevoir avant le dîner, il aurait pu apprendre par la B.B.C. ce que son envoyé spécial personnel était chargé de lui apprendre quelque temps après.
Les émissions par postes clandestins étaient faites soit à Vichy, soit à Riom, et la liaison fut en général parfaitement assurée. Mais hélas l'affaire marchait trop bien, il fallait que cela cesse. Et cela cessa le 1er Mars 1944 lors de l'arrestation de Herpin.

Une centrale de Lyon avait été prise, des secrétaires toutes jeunes avaient été contraintes de parler sous les tortures? Sans dire le nom de Herpin, elles donnèrent des renseignements assez précis pour que la Gestapo puisse l'identifier. Il fut arrêté à Clermont-Ferrand et transféré à Montluc près de Lyon.

Interrogatoires;
Herpin nous déclare qu'il fut maltraité, brutalisé, on voulait lui arracher à tout prix l'adresse d'un certain Huysmans que la Gestapo recherchait depuis longtemps. Or Huysmans était un des pseudo de Herpin. Celui-ci tient à nous relater la scène et le dialogue échangé à la prison de Montluc avec l'Oberstamführer Fritch. Celui-ci voulait savoir de façon précise qui était Huysmans; au bout d'un certain temps il prit Herpin par la douceur et lui donna sa parole d'officier qu'il serait libéré s'il lui disait qui était Huysmans et où il habitait. Herpin sait qu'il n'a aucune chance de s'en sortir en raison des charges retenues contre lui, et des preuves que possèdent les gens de la Gestapo. Il met Fritch au défi de tenir sa parole. Celui-ci entre dans une colère folle, il craint un moment d'être tué sur place tellement il paraît furieux; et lorsqu'il est un peu calmé Herpin lui déclare"Je suis Huysmans, et j'estime que j'ai fait ce qui est conforme à ma dignité de patriote français". Fritch devient très pâle, tend la main à Herpin qui la refuse et il le fait reconduire dans sa cellule.

Depuis cette date, sans bénéficier d'un régime de faveur, il fut cependant interdit aux sous-officiers de la Gestapo de lui mettre les menottes et lorsqu'ils avaient à le conduire quelque part il s'y rendait les mains libres, ayant de chaque coté de lui un homme revolver au poing.
Il ne fut pas enchaîné à nouveau avec son camarade de cellule le Capitaine Fortier pour quitter Montluc à destination de Compiègne et Buchenwald.

Herpin ne veut pas nous donner plus de précisions sur son activité personnelle et celle du réseau. Il est allé à 2 ou 3 reprises à Londres pour passer 48 heures, mais il ne veut pas parler de ces missions. Il fut, de par ses fonctions, souvent en contact avec Laval et Darnand, et déclare-t-il en "plein bain Vichyssois pendant 18 mois". De ce fait sa plus grande crainte a été pendant toute cette période de se faire descendre par quelque collègue de la Résistance.

 

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