UN POINT D'HISTOIRE
Tous les anciens du BCRA qui étaient à Londres auprès du Général de Gaulle l'ont affirmé : Brutus était considéré comme l'un des tout premiers réseaux de Résistance. Mon très cher ami Claude Bouchinet-Serreulles, qui fût le successeur de Jean Moulin pendant plusieurs mois, avait tenu à me le redire récemment, quelques semaines avant sa mort.
Certes, la personnalité de nos dirigeants était
déterminante : André Boyer qui effectua deux voyages à
Londres, Gaston Defferre, et le Colonel Fourcaud.
Il y eut bien sûr l'efficacité remarquable et remarquée
du réseau dans de multiples domaines. Mais il faut surtout souligner
que dès sa création, Brutus a symbolisé l'image de la Résistance,
telle que la souhaitait le général de Gaulle : un rassemblement
de toutes tendances face à l'ennemi. Faut-il rappeler en effet que Brutus
est né dès la fin 1940 d'une initiative du Colonel Fourcaud (de
tendance d'extrême droite) qui tendit la main à des personnalités
de sensibilité de gauche, telles qu'André Boyer et Gaston Defferre.
La renommée de Brutus s'explique aussi dans la précocité
de ses dirigeants, qui furent les premiers, dès 1941, à concevoir
et à demander une organisation efficace de la Résistance, ainsi
qu'en témoigne Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin.
"Devant le désordre grandissant qu'ils (les dirigeants de Brutus)
observaient en zone libre, entre l'activité contradictoire des agents
de la France Libre, des mouvements, des syndicats et des partis, ils avaient
imaginé, dès juin 1941, le projet de faire avec un an d'avance
une sorte de comité, de conseil de la Résistance (…) formé
de représentants des mouvements, des partis et des syndicats, dont le
but était d'unifier et de diriger l'action de la Résistance. Morandat,
enthousiasmé par ce projet, l'envoya immédiatement à Londres,
en réclamant son application d'urgence pour mettre fin à la pagaille
grandissante".
Ce projet fut longuement débattu en juin 1942, à
Toulouse, lors d'une réunion présidée par Jean Moulin.
Yvon Morandat, qui y participait, l'a évoquée ainsi :
"(...) Il y avait Christian Pineau. André Boyer - qui avait créé
un petit mouvement, "France d'abord", et un réseau, le Réseau
Brutus, où ses adjoints étaient Gaston Defferre et Pierre Sudreau
(…). Nous avons évoqué l'idée d'un organisme de coordination
(groupant les mouvements de Résistance), Boyer et moi étions pour,
Moulin et Pineau pensaient que c'était trop tôt. C'est de cette
conversation que naîtra plus tard le C.N.R."
Pardonnez à votre Président d'avoir osé rappeler ces souvenirs, mais il est bon qu'ils restent inscrits dans l'histoire.
Pierre Sudreau