Témoignage du Dr. Jacques-Henri Poupault

Recueilli par Madame Granet, le 22 Octobre 1947

En 1939, le Dr. Poupault fut mobilisé comme chef d'équipe chirurgicale à l'ambulance chirurgicale légère 224 à Gueux près de Reims, fut envoyé en ligne à Spaincourt, près de Longwy (l'ambulance faisait partie de la VIIéme armée). La VIIéme armée combattit à partir du 10 Mai, remonta sur le canal de l'Ailette près de Noyon puis, à partir du 8 Juin, opéra sa retraite sur la Haute-Vienne (Sieux) où l'armistice l'arrêta. Le Dr. Poupault fut démobilisé le 25 Juillet 1940.

Dès avant sa mobilisation, le 20 juillet, il était allé à Toulouse dans l'intention de gagner Cette (Sète) d'où il espérait pouvoir partir pour l'Angleterre. Un de ses amis le Dr. Lacoste, chirurgien à Tulle et chef d'une autre équipe chirurgicale le rejoignit, lui montra le mauvais cas ou il se mettait, en partant avant d'être régulièrement démobilisé et le fit renoncer à son projet. Une fois démobilisé le Dr. Poupault partit pour Ascain, où il espérait retrouver sa famille. Son père, chirurgien à l'hôpital de Dieppe s'est en effet réfugié dans le pays basque. Le Dr. Poupault avait désiré partir pour l'Espagne. Son père le décide à retourner à Dieppe reprendre son poste à l'hôpital. Il laisse donc sa famille à Hendaye et arrive à Dieppe le 3 Août. La ville était très dépeuplée, les Allemands y étaient nombreux. Poupault va voir le maire (Levasseur) et lui demande qui occupe l'hôpital. Ce sont les Allemands. Le maire croit qu'il est impossible de les en faire partir. Poupault va voir le chirurgien allemand. Celui-ci (qui parle très mal français) le reçoit très bien, lui tend la main. Poupault garde sa main derrière son dos. Furieux le chirurgien allemand le fait arrêter et emmener à la Kommandantur. Il y trouve le Sündenfuehrer de Dieppe, Robert Walraf qui parle admirablement le Français, est un homme fort distingué, homme du monde, qui déclare tout de suite qu'il arrangera l'affaire avec le médecin allemand et fait relâcher Poupault après 4 heures d'arrestation (4 Août). Walraf apprend à Poupault que sa femme a été championne du monde de golf, qu'elle a jouée à Dieppe, et justement avec le Dr. Poupault ! Ce qui accroît les bonnes relations entre Walraf et Poupault. Poupault en profite pour lui demander la direction de l'hôpital pour les Français. Quelques jours après, Walraf annonce à Poupault que l'armée allemande garde l'hôpital mais qu'elle consent à ce que Poupault y prenne le matériel chirurgical dont il a besoin et organise un hôpital civil pour les Français. Poupault organise donc dans une école neuve un hôpital pour les malades français. Le père de Poupault rentre à Dieppe fin Août et peut rouvrir sa clinique personnelle (elle n'a pas été pillée).

Dès ce moment, Poupault pût rendre quelques services aux Français. En effet, près de la clinique se trouvait un camp de 3.000 prisonniers en instance de départ pour l'Allemagne, ils étaient très mal nourris. Poupault pût les ravitailler en pain (300 Kgs par jour), légumes, viande. Un prisonnier réussit à s'évader de nuit, trouver un qui lui fournit des vêtements civils (Septembre 40). Les Allemands à ce moment, devinrent de plus en plus méfiants, car pas mal d'évasions se produisirent : ils contrôlaient surtout les souliers, car si on procurait des vêtements civils aux évadés, ils gardaient le plus souvent leurs souliers militaires. Ils exigeaient des feuilles de démobilisation. Il fallait donc s'en procurer. Comme Poupault avait, à cause de son métier, une voiture et de l'essence, il vint à Paris en Novembre 1940 et cherche un moyen d'en obtenir. Grâce à un camarade ancien chauffeur (Dutertre), il fut mis en rapport avec des gens qui s'occupaient d'aide aux prisonniers (gérant du restaurant "La Reine Blanche", Bd. St Germain) qui l'emmenèrent dans un débit de tabac de la Place St Sulpice (coin de la rue du Vieux Colombier). Au premier étage, on lui présenta Charles Domergue (ancien employé à la mairie du VIème, plus tard décapité à Cologne) qui lui donna un gros paquet de feuilles de démobilisation. Ce groupe parut à Poupault très actif, mais très imprudent.

Le Dr. Poupault s'occupa donc de faciliter les évasions de prisonniers jusqu'en Avril 1941. A ce moment, il reçut la visite d'un instituteur de Villiers, Blanchard, qui a été obligé de se cacher à la suite d'une histoire qui lui a valu d'être recherché par les Allemands : un agent de l'I.S. avait abattu un policier de Vichy qui voulait l'arrêter. Il s'était réfugié chez Blanchard puis avait réussi à se sauver. Mais Blanchard inquiété à son tour, avait dû quitter son domicile et avait rejoint un groupe de résistance, l'armée de volontaires (l'A.V. de Mairesse). Il s'occupait donc depuis de chercher des renseignements. Il propose à Poupault de rechercher tous les renseignements militaires utiles dans la région de Dieppe, Poupault accepte. Tous les 10 ou 12 jours, il vient à Paris, en auto ou en chemin de fer, il apporte à Domergue tous les renseignements qu'il peut obtenir sur l'activité allemande sur la côte : mouvements des bateaux dans le port surtout. A cette époque, les Allemands ne construisaient pas encore et se servaient pour la défense de la côte de canons anti-aériens tractés qu'ils déplaçaient continuellement. Domergue envoyait ensuite les renseignements en zone libre et ils étaient transmis à Londres par l'intermédiaire du consul américain de Lyon. Le Dr. Poupault alla lui-même les porter à Lyon en Février 1941.

Tout en s'occupant de ce S.R. le Dr. Poupault continuait son métier de chirurgien et, à Dieppe, était resté en excellents rapports avec Walraf. Ils s'appelaient par leurs prénoms. Ce Walraf n'était nazi que par intérêt, il avait appartenu à la Hambourg – America Line, il était au fond, assez international, très homme d'affaires (il est actuellement au service des Alliés en Allemagne). Il rendit plusieurs services à Poupault. Celui-ci avait une amie d'enfance dont le mari était prisonnier et qui se désolait de son absence. Poupault l'emmena voir Walraf qui fit rentrer le mari (mais en devenant l'amant de la jeune femme, fort jolie, qui depuis a divorcé et épousé Walraf !).

A partir de Mai 1941, à plusieurs reprises, Walraf avertit Poupault que cela allait mal pour lui à Dieppe, que la Kommandantur le surveillait et il lui conseilla de s'en aller. En Juin, il y eu beaucoup d'arrestations à Dieppe. Poupault suivit le conseil de Walraf et le 30 Juin 41, Poupault partit de Dieppe pour Rouen (en emmenant pas mal d'argent), et, de Rouen, rejoignit Paris. Il alla aussitôt trouver Domergue, habita chez un ami et chercha à partir pour l'Angleterre. Domergue lui dit qu'il y aura prochainement des opérations aériennes et qu'il pourra s'en aller. Poupault attend jusqu'au 15 Août, mais n'entend parler de rien (il a su depuis qu'il n'y a eu aucune opération aérienne à cette époque-là). Domergue rencontra aussi Max de Belleville qui prétendait faire la liaison France-Angleterre (c'était faux) et qui organisa (ou fit semblant) le départ de Poupault pour l'Espagne avec 10 compagnons, en deux groupes. Ce départ eut lieu le 17 Août (train pour Tours, puis passage de la ligne, puis train de Loches à Pau). Dans le groupe se trouvaient Blanchard (l'instituteur) Cartier et Bignotti, aviateur, Allegret et un Anglais nommé Vicca. Ils passèrent la ligne de démarcation près de la Haye-Descartes, conduits par un vétérinaire, Goupil. A Pau, l'adresse donnée par Belleville (Fua, 13 Bd. des Pyrénées) s'avéra fausse, car le Bd. des Pyrénées n'a que des numéros pairs… Ils errèrent à Pau avec peu d'argent, pas de "contacts". Sept des voyageurs repartirent, Blanchard, Cartier, Binotti et Poupault persévérèrent : ils n'avaient aucun désir de rentrer à Paris. Blanchard qui était socialiste et syndicaliste réussit à nouer des relations avec des cheminots socialistes et communistes qui furent très chic et offrirent de les faire passer en Espagne (début Septembre). Un cheminot prit trois d'entre eux sur sa machine (il devait prendre le 4ème le lendemain) jusqu'à Canfranc, gare internationale, ils vont attendre au dépôt des machines, puis le cheminot les fait sortir en territoire espagnol. Ils ne savent pas l'espagnol. A quelques kilomètres de Canfranc, ils se font prendre, sont ramenés à Canfranc, mais en prison, puis ramenés en France trois jours après et livrés aux gendarmes français à Urdos. Ils subissent un interrogatoire. Poupault raconte qu'il a tout perdu et veut aller s'établir en Amérique du Sud. Le gendarme lui dit que son histoire n'est pas habile et lui fait faire une déposition où il raconte qu'il se promenait avec des camarades dans les Pyrénées, s'est trompé de chemin et s'est retrouvé en Espagne. Les deux autres font la même déposition toujours sur le conseil du gendarme qui a eu des quantités de cas de ce genre.

Il leur indique un avocat de Pau qui saura les défendre (M° Poyanne). Les gendarmes qui les conduisent à Pau sont également très gentils, leur disent qu'ils peuvent s'évader s'ils veulent (bien que pour cette évasion ils seront durement punis), mais qu'il vaut mieux pour eux aller en prison et être jugés, ils seront condamnés à peu de chose. A Pau, on les mène au Palais de Justice, on leur demande s'ils veulent être jugés tout de suite (il est 8 heures du matin). Ils passent devant le juge d'instruction puis à 10 h devant le tribunal correctionnel où Poyanne, qui est justement au Palais, plaide pour eux (remarquablement) et les fait acquitter. Le Président souriait. A midi et demie, ils sont libres. Le lendemain à 6h, la police spéciale de Pau les arrête. Poupault proteste, ils ont été acquittés. Mais il s'agit d'autre chose, on les accuse d'être en rapport avec Daladier et Raynaud (de vouloir les faire évader). L'interrogatoire dure douze heures et est odieux. Le commissaire spécial, bien qu'il ait connu le père de Poupault reste vil et partial. On le met en résidence surveillée. Poupault indique comme domicile l'adresse de son ami le Dr. Lacoste de Tulle. Blanchard, lui indique Uzès. Poupault va donc à Tulle, fait une visite au capitaine de gendarmerie qui lui dit de faire ce qu'il voudra et qu'il indique qu'il est toujours en résidence à Tulle.

A Tulle, chez le Dr. Lacoste, Poupault a des nouvelles de son ami Lucien Gallimard (député radical de Dieppe), seul prévenu du départ de Poupault de Dieppe et qui, lui aussi, désire partir en Angleterre. Gallimard avertit Poupault qu'il est à Nice, ils prennent rendez-vous à Marseille où Gallimard a des contacts et où il espère pouvoir s'embarquer (Janvier 1942). Gallimard est, en particulier, en rapport avec Eugène Thomas (actuellement Ministre des P.T.T.) qui pense pouvoir organiser leur départ. En attendant, ils recueillent des renseignements sur Marseille et les environs : ils donnent leurs renseignements à un inspecteur de police chargé officiellement de la détection des postes émetteurs clandestins et qui les renseigne, de son coté sur les voitures gonio allemandes de la région.

Thomas dit à Poupault qu'on organise en ce moment (colonel Fourcaud) un S.R., le réseau "Froment". Le colonel est arrêté, son frère Boris Fourcaud lui succède avec comme adjoint, André Boyer qui fut l'âme du réseau. Il veut étendre ce réseau à la zone occupée et il offre à Poupault d'aller l'organiser, car les premières bases ont été jetées par quelqu'un qui vient d'être arrêté. Il faut donc tout reprendre. Poupault accepte, reste quinze jours à Marseille où il s'initie à la technique des S.R. et apprend le code (Avril 1942). A Paris, pendant six mois il a un travail très dur, il doit créer le réseau "Brutus" avec des éléments entièrement nouveaux, voir beaucoup de gens, organiser des groupes.
Les principaux furent :

Un groupe de zone-frontière nord, autour de Lille, avec Icard, inspecteur de police qui lui avait été indiqué à Marseille. Il organise très bien son groupe, a beaucoup de renseignements sur les fortifications entre la Somme et la frontière Belge.

Un autre groupe double, dans le Nord, ce premier groupe, il est dirigé par Bossman de Libé-Nord (qui fut, plus tard, adjoint au maire de Lille).

Un troisième groupe eut pour centre Dieppe (Dr. Magnier). Il donnait des renseignements sur la région allant du Havre à la Somme;

Un quatrième groupe s'occupait de la Normandie centrale. Il avait pour chef Forginal (depuis député U.D.S.R. de Gisors).

Enfin, un cinquième groupe dans la région Manche-Calvados-Bretagne était dirigé par un professeur du collège de Granville, Marland.

En outre à Paris, près de Poupault, un petit état-major donnait des renseignements sur la région parisienne. Il était composé du Dr. Profichet de Montreuil, de Max Peres, directeur de L.M.T. (Lignes et Matériel Téléphoniques) qui travaillait pour les Allemands, ce qui permettait d'avoir beaucoup d'indications utiles, le Dr. Dickmann. Le Dr. Poupault avait comme secrétaire Mme Regnault. Il avait aussi deux agents de liaison : Geneviève Rosanis et Germaine Saffroy (qui allait souvent en zone sud).

Au bout de six mois, tout fonctionnait très bien. Les bureaux changèrent plusieurs fois d'adresse. Poupault était obligé par prudence d'avoir plusieurs appartements et de changer de domicile. Les principales adresses furent : 46 rue d'Artois et rue de Berry.

Il avait un énorme courrier qu'il lui fallait dépouiller et trier, puis il fallait faire les rapports, les coder, etc… tout cela en tenant compte des directives de Londres, des questionnaires de Londres (dossiers classés selon le genre de renseignements, militaires, politiques, etc.), selon le degré de certitude, selon la provenance : première main, seconde main, etc. Le rôle de Poupault est en somme, celui d'un chef de bureau très occupé. La partie la plus gênante de son travail était la difficulté des transmissions. Le Dr. Poupault réclama souvent des appareils de radio qui étaient encore très rares à cette époque (fin 42), on lui en promit mais ils n'arrivèrent jamais. Le courrier partait en zone sud pour Marseille, par des agents de liaison qui s'en allaient deux fois par semaine. Tout cela était assez long et incommode.

Janvier 1943 fut une période très active pour le réseau. Boris Fourcaud et André Boyer partirent à Londres. Boyer revint peu après rapportant des consignes nouvelles et annonçant la venue d'un "grand patron" qui devait mettre en place une organisation bien coordonnée. En Février 43 Devawrin (Passy) arrive. Poupault et Boyer le voient, on décide la création en zone nord d'un groupe autonome d'opérations et de transmissions, la "centrale de transmissions et opérations Nord" dont le premier chef a été Du Boys. A partir de ce moment, Poupault fut rattaché à cette centrale. Son réseau devint le réseau "Legio". La centrale émettait pour beaucoup de réseaux de résistance (Turma, Cleuthère, Vengeance, Ajax, etc.). Les transmissions marchèrent très bien. Il a un réseau très étendu, beaucoup de travail, il reçoit beaucoup de documents. La cadence des émissions est considérable. Par fidélité pour le réseau Brutus et par amitié pour Boyer, Poupault a décidé que les courriers zone Sud et Nord se doubleraient : les courriers partent dans les deux sens chaque semaine et en double exemplaire, chacun des réseaux profite des renseignements de l'autre.

Le 28 Février 1943, alerte : un ami de Poupault qui lui rend de grands services est arrêté, c'est le Dr. Arbeit, 48 rue Pierre Charron. Il était un peu imprudent, manifestant violement ses sentiments anti-allemands. Le Dr. Poupault change son P.C., son dispositif, etc. .. Le calme revient. Poupault a confiance en Arbeit et pense qu'il ne parlera pas.

Arrestations :
Le 10 Mai 1943, le Dr. Poupault venait de chez un ami, le Dr. Luquet (qui avait un petit réseau personnel) et allait à bicyclette à son bureau, lorsqu'au coin de la rue Dombasle et de la rue Olivier de Serres (XV°), il est entouré par 15 policiers, arrêté, mis dans une auto Citroën avec menottes et lunettes noires et conduit à la villa Montmorency. Son interrogatoire dure 27 heures (tortures, ongles arrachés, figure en sang, enflée, etc….). Au cours de l'interrogatoire, il apprend que Mme Regnault, Icard, Perez, Forcinal, Du Boys, Yves Grives (agent de liaison) viennent d'être arrêtés. On veut savoir le nom de ses collaborateurs, le nombre et l'emplacement de ses postes, etc. Il tient le coup, ne dit rien (personne d'autre de son groupe n'a été arrêté). La Gestapo lui montre un courrier complet qui a été envoyé de Paris à Marseille le 31 Décembre 1942. Elle sait sur Poupault des détails très intimes Poupault se demande qui a trahi.
Plus tard, après la Libération, le Dr. Poupault a appris qu'il avait été recherché par la Gestapo pour trois raisons différentes :

1° dans le groupe Forcinal, un agent de la Gestapo s'était glissé et avait dénoncé Forcinal et Poupault.

2° Un nommé Cosinus (Carré) ouvrier de Gnome et Rhône et qui donnait des renseignements sur l'usine avait été mis en rapport avec Poupault (sur recommandation de la zone sud), cet homme, après une première arrestation était devenu un agent de la Gestapo et dénonça Poupault et ses collaborateurs (Icard, etc.). 3° en Février 1942, le Dr. Arbeit avait reçu la visite d'un lieutenant-colonel aviateur qui avait un réseau en zone sud, était coupé de Londres, à la suite d'arrestations de son radio et demandait à être rattaché à un autre réseau. Rendez-vous à lieu chez Arbeit entre cet homme et Poupault qui le trouve exalté, bizarre, dangereux et le laisse tomber. Cet homme repartit à Nice, se fit arrêter, raconte son voyage à Paris et donna des indications sur Poupault et Arbeit fut alors arrêté.

Enfin, et le Dr. Poupault considère que ce fut la cause essentielle de son arrestation, il fut sûrement dénoncé par son agent de liaison Germaine Saffroy.

Les Allemands savaient sur elle bien des choses personnelles qu'elle seule connaissait et en particulier son prochain départ pour Londres, et elle ne fut pas arrêtée quoi qu'elle prétende le contraire. Poupault sait qu'elle avait autrefois travaillé pour le 2éme bureau français. Il ne sait pas quand et dans quelles mesures elle a travaillé pour la Gestapo. Il a, cependant la certitude morale de sa culpabilité. Elle a été arrêtée deux fois après la Libération. Elle s'est bien défendue et a été libérée. Elle est partie à Tanger.

Fresnes :
Le Dr. Poupault fut emmené à Fresnes, puis il subit un interrogatoire rue des Saussaies par le S.D. Elvin Steudel qui lui dit qu'il ne sera pas torturé, mais qu'il lui fallait parler. Poupault comprit et écrivit 80 pages d'aventures si compliquées qu'il était impossible de s'y reconnaître. On le laissa tranquille. Il eut la chance de pouvoir établir une liaison avec l'extérieur. Il était seul au secret dans une cellule. Un jour Bernard, l'infirmier allemand de Fresnes vint lui dire : chirurgien ? -Oui, nom ? –Poupault. Il ressort, revient avec une lettre écrite au crayon, écriture de femme que Poupault ne reconnaît pas sur l'instant. "Demain, réponse" ajoute Bernard. La lettre contenait seulement deux mots : "donne nouvelles". Le lendemain Bernard apporte papier et crayon et Poupault écrit une lettre à sa mère vague et banale. Quinze jours après, Poupault se blesse exprès au doigt, demande l'infirmier qui arrive. Poupault lui offre de l'argent (il avait caché 15.000 frs dans la ceinture de son pantalon) et Bernard accepte de servir de facteur. Poupault écrit une lettre à sa fiancée (qui est au courant de son activité, sans connaître le détail). Deux jours après arrive la réponse banale aussi. La correspondance s'établit aussi, deux fois par semaine, Poupault peut écrire assez librement, lui parle de Steudel qu'elle peut joindre grâce a de l'argent donné en plusieurs fois (200.000 frs en tout). Steudel promit que Poupault serait seulement déporté et il conduisait favorablement les interrogatoires. Le Dr. ault sût, plus tard comment Bernard lui avait apporté la première lettre. Une de ses cousines connaissait la femme du général Rollet (de la Légion). Le général avait une ordonnance qui l'avait mis en relation avec un restaurateur lui-même en relation avec l'infirmier Bernard par l'intermédiaire de la petite amie française de celui-ci.

Bernard fut utile a Poupault et au réseau parce qu'il pût dire à sa fiancée de prévenir Profichet que Cosinus (Carre) avait trahi. Profichet le fit exécuter à la mitraillette, chez lui en Janvier 1944.

En Décembre 43, Boyer fut aussi arrêté et envoyé à Fresnes. Ils furent confrontés devant Steudel, après avoir fait ensemble le trajet de Fresnes à la rue des Saussaies. Ils purent s'entendre et la confrontation se passa bien.Aussi, Steudel pût conclure qu'il comprenait très bien alors l'histoire du réseau. En Décembre, Bernard conduisant Poupault à l'infirmerie lui permit de voir sa fiancée quelques instants.

Le 12 Janvier, Bernard apporta à Poupault un mot de sa fiancée qui lui disait que Steudel lui avait annoncé que Poupault irait à Romainville où il serait "très bien". En réalité, Poupault sortit bien de Fresnes le 13 Janvier, mais pour aller à Compiègne, il y resta 3 jours, puis parti pour Buchenwald (19 Janvier).

BUCHENWALD
Trois semaines après son arrivée on fit remplir des fiches aux déportés. Sur la sienne, Poupault indiqua médecin-chirurgien, ignorant qu'en Allemagne ce sont deux diplômes différents. Les Allemands eurent donc pour lui une considération particulière et le désignèrent comme chirurgien adjoint de Buchenwald, sous les ordres des médecins allemands et d'un médecin Tchèque déporté.

Il eut quelques démêlés avec les communistes allemands et français qui dirigeaient le camp et il fut envoyé comme chirurgien chef à Dora.

Il est amené devant un médecin SS, jeune, 28 ans, très beau garçon qui l'interroge en le tutoyant. Poupault avait appris facilement l'Allemand en Allemagne et le parlait bien. Il ne répond pas.

Le médecin s'en étonne. Poupault répond qu’il ne comprend pas lorsque qu'on lui dit "tu". Le SS accepte la leçon, lui dit "vous" et ne l'a jamais ennuyé.

Le Dr. Poupault trouve le moral des déportés de Dora lamentable. C'était la jungle. Aucun esprit de solidarité, la lutte pour la vie, les déportés mourraient de faim. Poupault et quelques déportés de grande valeur morale (comme Bordier-Brunswig, Petit, Ebel -professeur à la Faculté de pharmacie de Strasbourg, le Dr. Morel, Croizat, Jean Michel) essaient de remettre de l'ordre et de remonter le moral des hommes, de leur redonner le sens de la fraternité. Ils entrent en rapport avec les communistes allemands du camp pour obtenir quelques avantages pour les Français, quelques places dans les camps, par exemple la place à l'"Arbeitstatistique" – Où fut placé le frère Albert Birin qui pût envoyer les Français dans les meilleurs commandos.

Puis le Dr. Poupault pût obtenir un poste de T.S.F. et donner des nouvelles, ce qui aida à remonter le moral et à établir une espèce d'esprit de résistance. Ce fut un SS Lorenz qui apporta au Dr. Poupault son propre poste de T.S.F. Il se rendait ainsi compte de la défaite allemande, avait peur des Russes et se ménageait la protection des Français. C'est ainsi que Poupault pût prendre les émissions de la B.B.C. et apprendre le débarquement, la campagne de France, etc… Il avait caché le poste dans la salle d'opérations (Lorenz reprit son poste quand Poupault fut arrêté).

En Juin, Boyer arriva à Dora. Quoi qu'il eût été avocat, Poupault pût le garder près de lui comme infirmier. Il reforma le petit groupe français agissant de Dora.

Au tunnel, où l'on fabriquait les V1 et les V2 . Quelques Français organisèrent une espèce de mouvement de résistance, quelques évasions, un peu de sabotage. Le sabotage réel était très difficile, car le travail était très étroitement contrôlé et le moindre sabotage était puni de mort. Mais on pouvait quand les SS tournaient la tête et relâchaient leur surveillance, interrompre et ralentir le travail.

Le petit groupe résistant du tunnel accueillit malheureusement un déporté d'origine lorraine, Naegele qui était en réalité un criminel. Il avait été au service de la Gestapo à l'Hôtel Lutétia, avait volé huit millions de la caisse, avait été arrêté et déporté. Il fit arrêter le 4 Novembre à Dora, tout le groupe résistant, c'est-à-dire 17 Français, 20 Russes, des Tchèques, des Allemands, etc… Les arrêtés furent interrogés, torturés pour obtenir des noms de complices, de saboteurs, etc…

Les Français furent envoyés en prison à Nordhausen, où, dit le Dr. Poupault, ils menèrent une vie idyllique pendant cinq mois. Des Français, 7 principalement, furent privilégiés (dont A. Boyer et Bordier, à cause de la protection de Pelfrede (ou Grotzoff), juif russe du Caucase, émigré en France en 1919 et qui sauva la vie a beaucoup de Français (il fut acquitté en conseil à Rastadt le 10 Juillet 1947).

Poupault et ses amis étaient dans des cellules non fermées. Poupault était le médecin non seulement de la prison, mais de la ville (qui n'avait plus de médecin). Le 15 Mars 1945, dix Français repartirent à Dora en prison où ils furent très malheureux. Tous les Russes et Tchèques arrêtés furent pendus. Aucun Français ne le fut grâce à Grotzoff qui affirma que les Français étaient anti-communistes et qu'il fallait les ménager !

Le 3 Avril au soir, les Américains bombardèrent Nordhausen, démolirent en grande partie les murs de la prison. Les Français qui restèrent seuls. Le lendemain matin, à 8 heures, nouvelle attaque de l'aviation américaine : ville et prison sont rasées. Boyer est tué. Poupault lui-même est blessé dans le dos, ainsi que deux autres Français. Bordier, Denay et Poupault qui sont en costume de détenus cherchent dans les ruines des vêtements civils afin d'aller à la rencontre de l'armée américaine. Ils se dirigent ensuite vers le Sud-Ouest marchent pendant 5 jours (font 120 Kms), couchent dehors (il fait frais) puis un soir demandent asile à un fermier allemand qui les abrite dans une écurie, leur donne à manger, les réveille le lendemain matin en leur indiquant la direction à suivre pour trouver les Américains (ils s'étaient donnés pour des ouvriers français allant chercher du travail à Cassel, mais le fermier allemand avait deviné la vérité). Ils repartent, trouvent les Américains le 8 Avril 1945 et sont à Paris le 11.

Interrogé sur les Russes à Dora, le Dr. Poupault dit qu'il y avait surtout des condamnés de droit commun, des gens qui avaient déjà été dans des camps de concentration russes, surtout des Ukrainiens. Un médecin russe évadé était à peu près le seul sympathique.

Le Dr. Poupault indique que le livre de David Rousset ("Les jours de notre mort") est assez véridique et donne bien l'atmosphère du camp. Lui-même y est peint sous le nom de Paul, David Rousset n'a pas été pour lui spécialement bienveillant, dit-il, bien qu'ils soient en bons termes.

Le Dr. Poupault dit aussi de se méfier du livre de Birin (Dora, matricule …) qui contient des épisodes purement imaginaires.
Les pseudos du Dr. Poupault ont été : Parys et à Londres : Anatole, Lyons
Le Dr. V conseille de voir :
- Bordier-Brunswig, au Ministère de l'Intérieur
- Boris Fourcaud (frère du colonel) LIT 67 71
- Guy Herpin, directeur de l'Office du tourisme, Quai d'Orsay
- Dr; Gorodione, médecin à Arles.