Pierre MALAFOSSE (29 octobre 1913 Béziers- 21 mai 1993 Agde),
Le parcours de Pierre Malafosse est intimement lié à la résistance au titre de laquelle il a acquis une certaine notoriété, ainsi que, dès la Libération, par son rôle de président du Comité Local de Libération (maire) de Béziers puis de directeur de l'Office des Boissons au Ministère du Ravitaillement, en 1946.
L'engagement de Pierre Malafosse est d'abord celui d'une tradition familiale républicaine. Son arrière grand-père, Pierre Joseph, petit propriétaire à Vias et centurion dans une société secrète, sera déporté en Algérie à la suite du coup d'Etat du 2 Décembre 1851. Libéré en 1854, il participe à la création des sociétés des victimes du 2 Décembre. Son grand-père Aristide est maire d’Ouveillan et le frère de ce dernier, Armand, sera maire de Vias de 1892 à 1912 (il passait pour avoir été le plus jeune maire de France) mais n'aura pas de descendance.
Son père, pour sa part, ne semble pas avoir eu d'engagement politique. En pleine ascension sociale, il devient un négociant en vins prospère jusqu'à son décès accidentel en 1922. De fait, Pierre Malafosse sera élevé par sa mère et ses grands-parents. Elève dans une institution religieuse, il fait ensuite son droit à Montpellier où il passe la première partie de sa licence en 1931 puis à Paris où il obtient son doctorat. Revenu à Béziers, Il aurait été membre, un temps, des jeunesses socialistes selon certains témoignages. Il s'inscrit au barreau de Béziers et ouvre, après son mariage en 1933, un cabinet d'avocat, tout en aidant sa mère dans la gestion de son négoce et de leurs propriétés. Dans les années 1930, il s'engage plus activement dans la mouvance républicaine. Il devient secrétaire de la section Béziers Saint-Pons des officiers de réserve républicains (1936-1939) à la demande d'un de ses confrères, l'avocat René Blanc du Collet, membre de la SFIO. Il apparaît aussi, en 1938 comme trésorier du Sou des écoles laïques de Béziers. Son activité professionnelle est aussi caractéristique de ses choix philosophiques et politiques. En 1939, il est avocat de la société du comité de solidarité internationale (fonds de secours de l'AIT) et plaide donc pour les réfugiés républicains Espagnols. Il est par ailleurs connu pour avoir défendu des militants cégétistes et communistes.
En 1939, il est mobilisé comme lieutenant dans le 56e régiment d'artillerie motorisée (artillerie de montagne) et commande une batterie, d’abord en Alsace puis au dessus de Briançon. Son admiration pour les Anglo-Saxons et son rejet des totalitarismes lui font écrire à sa mère, le 10 Juin 1940, à propos de la situation générale : "(quoiqu’il arrive…) notre supériorité économique entraînera la décision en notre faveur." Volontaire pour Narvik, il part pour Glasgow où il arrive trop tard pour participer à cette expédition. Revenu dans les Alpes, il est démobilisé après l'armistice et rejoint sa ville natale. Quelque temps plus tard, il est recruté dans la résistance par son confrère marseillais André Boyer, leurs épouses étant amies. En Août 1940 (les témoignages varient), Defferre rencontre Malafosse par l'entremise de Boyer pour passer en Angleterre, ce qui ne fut pas possible.
Il reste donc dans un premier temps à Béziers où il devient tout à la fois agent local de Brutus mais aussi l'un des premiers membres de Combat fondé en Octobre 1940 dans la ville par le socialiste André Robert.
Rapidement, Pierre Malafosse (pseudo : Malin) s'impose comme le dirigeant de ce mouvement, majoritairement composé de socialistes.
Il recrute son condisciple de Faculté, Joseph Lanet dont il fera son bras droit.
Début 1943, il doit quitter Béziers, recherché par la Gestapo. Il devient responsable régional de Brutus en R4 (région de Toulouse). Arrêté début Mai, sur dénonciation, par la police française, il est libéré par un commando de faux gendarmes constitué des dirigeants de ce réseau (André Boyer et Gaston Defferre), usant de faux documents. Il rejoint finalement Londres par opération aérienne, le 11 Septembre 1943, et adhère au Groupe Jean Jaurès sous le pseudonyme de Pierre Maurrier. Il a aussi occupé des fonctions politiques importantes au BCRA. A Alger, il devient membre de l'assemblée consultative et siège avec le groupe socialiste (France Combattante). Il est promu Capitaine en Décembre 1943. Il devient par ailleurs chef de Cabinet de Le Trocquer ministre de la Guerre.
Parachuté dans les Hautes-Pyrénées le 10 Juillet 1944, il rejoint Béziers pour assurer la présidence du Comité Local de Libération de la ville, conformément aux accords antérieurs entre dirigeants locaux du MLN. Le réseau "Action R.4" ayant été reconnu, Pierre Malafosse détient à ce titre le diplôme de la médaille commémorative des services volontaires dans la France Libre N° 42.4898. Sous sa présidence, la politique du CLL sera essentiellement axée autour de trois thématiques : le ravitaillement, le maintien de l'ordre et l'épuration, et enfin une opération d'envergure, la destruction du quartier insalubre de Saint-Jacques près de la cathédrale. Néanmoins, la reconstitution des administrations déconcentrées va canaliser l'action municipale. Il est d'abord mis fin au système d'amendes infligées aux entreprises ayant collaboré économiquement avec l'occupant. Par ailleurs, mise devant le fait accompli, l'administration tentera de régulariser l'opération de réhabilitation du quartier Saint-Jacques. La deuxième caractéristique de cette période est la situation conflictuelle entre communistes et non communistes. Très tôt, le CLL tente de canaliser certaines initiatives des FFI puis des milices patriotiques, valant à Béziers l’honneur d’être l’une des villes où l’épuration est la moins arbitraire et la moins sanglante. Il doit même demander un arbitrage préfectoral pour asseoir son autorité en matière de lutte contre la collaboration. Rapidement, notamment après l'entrée dans le CLL du responsable communiste Joseph Lazare, le conflit entre communistes et l'alliance SFIO-MLN va se durcir. Le 20
Novembre 1944, le Midi Libre publie un article de Gilbert de Chambrun qui attaque Pierre Malafosse. Il lui reproche l’implication de sa mère dans une entreprise de travaux publics, la Société Française du Bâtiment, qui a participé à la construction des fortifications de la côte pour le compte des Allemands. Incidemment, il lui est reproché d'avoir utilisé sa mère comme prête-nom, d'avoir défendu le patron de cette société, Georges Mas, et enfin d'avoir, par sa politique de démolition, fait travailler cette entreprise. Devant ses attaques, les communistes vont demander à Malafosse de démissionner de la présidence du CLL pour se défendre. À une voix de majorité, il est mis en minorité le 24 Novembre, et démissionne sur le champ, suivi des membres du MLN et de la SFIO.
Malgré les efforts du préfet qui souhaite nommer Lucien Lajous (SFIO) pour lui succéder, les deux organisations maintiennent leurs positions et leur soutien à Malafosse. Ce dernier attaque alors l'auteur de l'article et le journal en diffamation, avec le soutien de ses deux avocats, membres comme lui de l'assemblée consultative, G. Defferre et A Le Trocquer.
Le 30 Janvier 1945, le tribunal civil se déclare incompétent au motif que Gilbert de Chambrun est militaire. Malafosse attaque alors le journal et obtient la condamnation de Jacques Bellon pour diffamation. Quoique blanchi, sa carrière politique locale en subit un contrecoup important. Il est exclu par la direction régionale du MLN (proche du PC) le 1er Décembre 1944.
La section socialiste attendra les suites judiciaires avant de l'admettre dans ses rangs.
Ce n'est qu'en Janvier 1946 qu'il adhère à la SFIO, organisation au sein de laquelle il ne semble pas être resté longtemps, tant son individualisme et son humanisme lui rendaient pesant tout embrigadement.
A la suite de cette affaire, Pierre Malafosse quitte Béziers en 1945, pour s'installer à Paris. Il participe, comme nombre de résistants à l'aventure de la presse écrite, devenant directeur général et actionnaire de l’hebdomadaire "Bref" (1945-1946). Dans le même temps, il contribue à la fondation du Provençal et de l’Equipe dont il est aussi actionnaire. Proche de le Trocquer et de Defferre, il obtient le poste de directeur du service des boissons au ministère du ravitaillement. Néanmoins, le ministre communiste Yves Farge, met fin à ses fonctions le 28 Juin 1946, lui reprochant des fraudes. Ce dernier publiera en 1947 un virulent pamphlet "le pain de la corruption". Ce qui est devenu "le scandale des vins" mettra fin à sa situation parisienne, malgré le jugement du 23 Mai 1947 qui démontre l'absence de fraude.
De retour à Béziers, il achète un domaine au Cap d'Agde - il est d’ailleurs à l'origine du développement de cette région, - et y reprend la viticulture. Il n'a plus alors d'activité politique publique. Impliqué avec d'autres propriétaires dans une affaire de sucrage de vins, il finira par abandonner le secteur viticole et arracher ses vignes en 1955, pour se lancer dans d’autres productions agricoles. Dans les années 1960, il créera un camping naturiste au Cap d'Agde. Il décèdera à Agde le 21 Mai 1993. Sa ville natale de Béziers donnera son nom à un boulevard en 1998.
Doté d’une vive intelligence, d’une grande culture, d’un remarquable courage intellectuel et physique, il était une sorte de paradoxe vivant : épris de justice et de liberté jusqu’à l’excès, mais souvent autoritaire envers ses proches, aussi cynique que généreux, rempli de principes, mais brouillon au delà de tout, il ne pouvait laisser indifférents ceux qui l’ont approché.