NOTICE sur Ginette KAHN BERNHEIM

Née le 13 Avril 1920, à PARIS, d’Edmée MAYER et Marcel KAHN, Avocat à Paris. Il décède le 6 avril 1933, la laissant à une semaine de son 13è anniversaire, ainsi que sa sœur Jacqueline, 9 ans.

Elle prête serment le 12 Novembre 1940 à Aix en Provence, où elle s’est repliée avec sa mère et sa sœur, et est admise au Barreau de Marseille.

Après avoir été collaboratrice à l’étude d’avoué de Me Armand VIDAL-NAQUET, elle devient collaboratrice de Gaston DEFFERRE, avocat, créateur, avec son ami et confrère l'avocat André Boyer, du réseau BRUTUS pour lequel elle assume diverses missions.

Les lois de Vichy conduisent le Procureur Général à demander au Conseil de l’Ordre de Marseille de la radier, ce qu’il refuse. C’est donc la Cour, sur requête du Procureur ASTIE qui, dans un arrêt du 5 Mars 1942, dit qu’en même temps que 11 autres avocats du ressort, elle devra « cesser d’exercer [sa] profession ». Si la clandestinité ne s’impose pas immédiatement, une identité nouvelle est nécessaire. Le substitut du procureur de la république de Marseille, Henri FENIE, insiste pour qu’elle change d’identité pour ne pas être arrêtée au premier contrôle. Elle demande que ses faux papiers, et ceux de sa famille, soient faits au non de CALAS, un réprouvé, en son temps défendu par VOLTAIRE. Faits par Julien DAVREU, ils lui sont remis dans le bureau du substitut, dont on peut penser qu’il n’a pas averti le Procureur Général.

Lorsqu’on lui fait émarger l’arrêt, le 30 Mars 1942, elle écrit : «décision que je suis contrainte de subir sous toutes réserves».

En Novembre 1943, 11 membres du réseau Brutus sont arrêtés, mais Ginette «CALAS» continue à Lyon d’assurer des missions, et de transporter des documents.

Le 7 Décembre 1943, elle réussit à cacher les papiers qu’elle transporte dans les WC de l’immeuble dans lequel une souricière est tendue, et elle est arrêtée. Interrogée par la Gestapo, elle reste cinq jours au secret, sans boire, manger, ni se laver. Et sans parler, sinon pour répondre, lorsqu’on lui annonce qu’elle sera fusillée le lendemain matin : «je n’ai rien dire».

Incarcérée à la prison de Montluc, à Lyon, elle est conduite à Romainville le 1er Mai 1944 pour être déportée. Pendant son transfert, elle parvient à jeter des trains quelques lettres, écrites au crayon sur du papier hygiénique, dont 3 à sa mère, alors à Lyon.

Elle part le 13 Mai 1944 à Ravensbruck, où elle doit travailler pour SIEMENS, mais où son identité ne sera pas découverte, malgré les soupçons d’une surveillante, persuadée qu’elle est juive. Elle sera transférée au camp de travail de Grastlitz.

Pendant 8 mois, sauf trois semaines d’hôpital pour un phlegmon à la jambe, elle ne sortira pas du grenier où elle est détenue, sans voir le jour, ni respirer l’air libre.

Fin Avril 1945, l’ordre d’évacuer le camp de Grastlitz est donné, et elle s’échappe avec quelques camarades, profitant de la confusion. Après s’être cachée trois semaines, elle est récupérée par les troupes américaines, et renvoyée à Paris, au centre installé à l’Hôtel Lutétia, où elle arrive le 19 Mai 1945.

Elle retrouve sa mère et sa sœur, et reprend immédiatement son identité, avant de partir pour un séjour de convalescence, puis s’inscrire au barreau de Paris le 18 Janvier 1946. Son admission à l’honorariat sera prononcée le 31 Décembre 1994.

De son mariage avec Jacques BERNHEIM, célébré le 28 Mars 1946, naîtront 2 garçons en 1949 et 1953, Olivier et Antoine.

Croix de guerre avec palme, après deux citations à l’ordre de l’armée, Médaille de la Résistance, proposée pour la Légion d’Honneur par Gaston DEFFERRE en 1962, elle met le dossier de côté pour ne pas être décorée avant son mari, qui ignorera ce détail jusqu’en 1985, quand le Ministre d’Etat découvre qu’elle n’a pas reçu cette décoration, et fait réactualiser son dossier.

C’est évidemment Gaston DEFFERRE qui lui remet les insignes de chevalier de la Légion d’Honneur le 26 Janvier 1986, puis le Bâtonnier BONDOUX ceux d’officier le 5 Octobre 1992.

Reconnue invalide de guerre en raison des séquelles de la déportation, elle devra encore subir une agression le 28 Mai 1997. Ayant été opérée d’un cancer en 1989, elle le sera une deuxième fois en Juillet 1997, avec chimiothérapie, avant une rechute mi-Juin 2000. La troisième intervention, réalisée fin juin dans des conditions particulièrement difficiles se terminera par son décès le 30 juillet, peu après son 80ème anniversaire.