Bulletin de l'Amicale "Brutus - Boyer"(année 1951 bulletin N° 7)

SCHEMA HISTORIQUE DU RESEAU de RENSEIGNEMENT
LUCAS - FROMENT - Brutus - GAMBETTA - BLANQUI

De plusieurs côtés des camarades soulignent l'intérêt que présenterait pour les lecteurs de notre bulletin, que les uns appellent l'historique, d'autres l'histoire, du Réseau dans lequel ils ont servi, souvent sans le savoir, ou sans en connaître grand chose, ce qui n'était pas leur moindre mérite.

En vérité, il n'appartient pas aux lecteurs d'écrire leur propre histoire. Chacun pourra dire ici et beaucoup diront, j'espère, ce dont ils ont été les témoins dans leur rayon d'action. C'est dans ces histoires, et d'autres semblables, que les hommes d'une autre génération ; moins directement intéressés, donc plus impartiaux, pourront, puiser, choisir, retenir, interpréter, commenter les faits, ou un ensemble de faits, comportant une leçon ou un exemple, c'est dire ayant une valeur historique.

Néanmoins, si parmi nos camarades, tous ceux qui le peuvent répondent à notre désir et à notre appel, on trouvera dans les prochains numéros du Bulletin, des détails intéressants et utiles sur la vie générale et anecdotique de notre Réseau. Le schéma ci-dessous a pour but d'en donner préalablement une vue d'ensemble, de chapeauter, en quelque sorte les développements ultérieurs.

L'appel du 18 Juin ne pouvant pas rester une déclaration platonique, le Général de GAULLE et son Etat-Major se préoccupèrent sans délai de constituer, sur le territoire de la France envahie, les premiers éléments de ce qui devait être, dans leur esprit, une armée secrète ou une armée de la résistance intérieure. Ces premiers éléments prirent la forme de réseaux, organisés et équipés pour le Renseignement et pour l'Action et reliés à un P.C. installé à LONDRES, appelé Bureau Central de Renseignement, et d'Action : B.C.R.A.

C'est ainsi que, dès Juillet 40, le Commandant Pierre FOURCAUD recevait l'ordre de créer l'un de ces premiers réseaux qui fut baptisé LUCAS - et dont le centre d'activité fut d'abord la région Méditerranée.

Grillé après bien des péripéties, le Chef du réseau LUCAS dut partir pour LONDRES ; il passa le flambeau à son second, qui était son propre frère, le Capitaine Boris FOURCAUD, Le réseau LUCAS devint alors le réseau FROMENT, et Boris FOURCAUD eut pour second André Boyer deux hommes au moins, devant toujours être au courant de l'ensemble.

Parallèlement au renseignement, on recrutait des groupes d'action que, déjà, le B.C.R.A. souhaitait, distincts et autonomes. Pour FROMENT, l'homme chargé de cette tâche était Ie Colonel Jean VINCENT dit VENY.

C'est seulement beaucoup plus tard, je Ie dis ici, pour n'y plus revenir que les groupes Véni devaient devenir administrativement autonomes.

En réalité, ils restèrent toujours comme une branche de la même famille ; liens entre les hommes et entre les organisations ne furent jamais totalement rompus, bien des nôtres appartinrent à le fois aux deux jusqu'à la fin. Aussi, certains VENY furent-ils légitimement liquidés Brutus et inversement. Il est d'ailleurs à craindre que cette confusion ait été la cause de certains oublis.

Après cette parenthèse, revenons à FROMENT. Désireux de se développer par le recrutement d'hommes sûrs, il fit appel à deux personnalités dont la position était connue d'une part M. JULIEN de LYON qui devait lui procurer les premiers éléments de la région Rhodanienne, d'autre part Felix GOUIN, qui le mit en rapport avec Eugène THOMAS - Celui-ci put alors parcourir 1'ensemble du territoire et y implanter, partout ou c'était possible, des noyaux actifs, qui, reliés au Centre, devaient peu à peu se développer.

Je me permets, ici, une autre parenthèse pour souligner deux faits :

1°) de bonne heure, le réseau refléta exactement par sa composition, le visage et l'esprit de la Résistance, exclusivement orientée vers le combat pour la libération, abstraction faits de toute préoccupation d'ordre politique, social, ou philosophique.
2°) s'il y a eu dans le réseau, dans les réseaux, des indésirables et des traîtres, ils figurent parmi les agents, que l'on ne connaissait pas avant de les recruter. La leçon ne doit pas être perdue.

Grillé à son tour Boris FOURCAUD est appelé à LONDRES par mesure de sécurité. Doivent-être du voyage Boyer et THOMAS ; ce dernier rate le départ.
Y en a-t-il eu des rendez-vous manqués !….

André Boyer nommé Chef du Réseau le rebaptise "Brutus". Tulle (E.THOMAS) y continue son rôle propre jusqu'à son arrestation et DENVERS (Gaston DEFFERRE) devient l'alter ego de Boyer.

Peu après le retour d'une excursion à LONDRES de l'équipe Boyer - DEFFERRE, exactement le 8 Décembre 1943, le premier est arrêté à PARIS, où avait été fixé le Centre du réseau, dans des circonstances que l'on pourra conter ; (je ne sais, par contre, s'il serait aujourd'hui possible de dire même dans-ce bulletin intérieur, même avec précaution ou discrétion; comment le traître qui l'avait vendu, après en avoir livré d'autres reçut un peu plus tard dans le corps, la récompense de ses forfaits).

André Boyer est mort en déportation. C'est pour honorer sa mémoire notre Amicale porte son nom.

Après le drame de Décembre 43, c'est Gaston DEFFERRE qui devait assurer, jusqu'à la fin, la direction du Réseau, en lui conservant son nom. Pourtant, vers le mois de Mai 44, je crois, le B.C.R.A. pour des raisons excellentes sans doute, mais qui me sont restées toujours mystérieuses, nous demanda de scinder Brutus en deux. La zone Nord se nomma BLANQI, la zone Sud GAMBETTA. Noms fort bien choisis au regard de l'histoire, mais qui n'ont laissé que des traces légères, dans les mémoires et sur quelques papiers. En fait, le Réseau, qui était, depuis longtemps déjà compartimenté, fractionné en zones, régions, secteurs, sous secteurs, a gardé son unité. Brutus est resté et restera Brutus.

Voilà le bref résumé promis. Je souhaite vivement que sa lecture incite certains de nos amis à le compléter, le préciser, ou même à le rectifier ; notre Bulletin y gagnera. Puis-je avouer que c'est un peu dans cet espoir, ou dans ce but, que je lui ai donné cette, forme ?

Et voici, maintenant, quelques chiffres :

Fusillés 22
Assassinés 2
Tués en service ou au combat 5
Disparus 12, - dont 1 femme
Morts en déportation 55, dont 6 femmes
TOTAL 96 dont 7 femmes
Déportés rentrés 141 dont, 31 femmes
Déportés évadés en cours de transfert 2 dont 1 femme
Internés de quelques jours à 18 mois
libérés ou évadés, plus ou moins maltraités ou torturés dont 2 condamnés à mort, libérés de justesse par la fuite des Allemands
41 dont 12 femmes
Nombre des victimes 280 dont 58 femmes

Deux autres sont morts depuis leur retour de déportation et plusieurs toujours en traitement pour maladie de longue durée contractée, dans les prisons ou dans les camps.

Cela sur un effectif total – P2 - Pl et P0 que l'on est en train de dénombrer exactement avec les services du Ministère de la Guerre et que l'on peut fixer à un millier.

Je n'aurai garde de commenter ces chiffres, ils se suffisent à eux-mêmes.